L'enquête a commencé mardi pour déterminer les causes de l'accident d'un F-16 sur une base militaire du sud-est de l'Espagne au cours duquel sont morts neuf Français et deux Grecs, pendant des manoeuvres multinationales.

Les ministres français et espagnol de la Défense Jean-Yves Le Drian et Pedro Morenes se sont recueillis mardi soir sur le site de l'accident de l'avion de combat, peu avant 19h00 (13h00, heure de Montréal).

Ils sont restés debout, silencieux, entre deux hangars de la base de Los Llanos, à quelque 250 km au sud-est de Madrid, non loin du site où se trouvaient toujours les dépouilles des victimes.

«Dans la vie d'un ministre de la Défense, il y a certaines journées qui marquent de manière définitive», a déclaré M. Le Drian devant quelque 70 militaires français aux visages fermés, en présence de son homologue espagnol et du chef d'état-major de l'armée de l'Air Denis Mercier.

Jean-Yves Le Drian était arrivé deux heures plus tôt, soit 24 heures après le drame qui a tué les aviateurs français et deux pilotes grecs, et a fait 21 blessés (neuf Français et douze Italiens).

Les militaires survivants sont «secoués, traumatisés, tristes, je voulais leur témoigner de mon soutien», a-t-il dit à la presse sur place.

Sept des victimes françaises sur neuf venaient de la base 133 de Nancy, dans l'est de la France, et suivaient un cours de perfectionnement. La BA 133, où une cellule de crise a été mise en place, déploie actuellement des avions au Niger, pour des opérations au Sahel, et en Jordanie, pour des opérations en Irak.

Au décollage, le F-16 «a dévié de sa route, très nettement, de 90 degrés, a percuté les avions français qui s'apprêtaient à décoller», a indiqué une source proche du ministre français en écartant cependant toute cause «extérieure», alors que la France est encore traumatisée par les attaques djihadistes qui ont fait 17 morts à Paris entre les 7 et 9 janvier.

«Les avions étaient pleins de kérosène et il y avait beaucoup de monde autour», ce qui explique le bilan très élevé de l'accident.

Au total, l'armée française a vu quatre de ses appareils détruits ou endommagés: deux Mirage 2000D et deux Alpha Jet.

Une femme capitaine et navigatrice figure parmi les morts, selon le ministère français.

Selon un dernier bilan fourni par le ministre espagnol, cinq Français sont encore hospitalisés, sur les neuf blessés. Deux pourraient rentrer en France dès mercredi. Trois militaires blessés plus graves restent hospitalisés à Madrid.

Sur les douze Italiens blessés, un reste hospitalisé et doit subir une intervention mardi.

En Grèce, un deuil a été décrété au sein des forces armées.

Substance toxique

Sur la base, des enquêtes technique et judiciaire ont commencé afin de déterminer comment le F-16 grec a soudainement perdu de la puissance au décollage lundi à 15h16 (9h16, heure de Montréal).

Cet avion de combat a ensuite heurté, outre les quatre appareils français, deux AMX italiens et endeuillé les militaires des sept pays (France, Italie, Grèce, États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne) participant à une session de formation.

L'accident s'est produit en plein entraînement dans ce centre de formation de pilotes d'élite de dix nationalités, où est mis en oeuvre le «Training Leadership Programme» de l'OTAN, «une des formations les plus réputées et les plus exigeantes du monde» selon le ministère de la Défense en France.

Sur le plan technique, une commission espagnole d'enquête sur les accidents d'aéronefs militaires devra notamment étudier les boîtes noires et analyser les conversations, a précisé un responsable du ministère de la Défense.

Deux enquêteurs français du Bureau enquêtes accidents défense (BEAD Air) sont également sur la base.

L'accident a suscité une vive émotion en France, où une minute de silence a été observée à l'Assemblée nationale et au Sénat.

C'est pour l'armée française un des bilans les plus lourds en une seule journée, depuis une embuscade dans la passe d'Uzbin (est de l'Afghanistan) en 2008, qui avait fait dix morts.

Mardi soir, on pouvait entr'apercevoir un magma de ferraille fondu, les restes d'un Alpha Jet Français, et un Mirage 2000 à la queue calcinée.

En fin de journée, une partie de la base restait encore interdite d'accès, selon une journaliste de l'AFP qui a pu aussi observer des hommes s'activant, non loin du quartier général du centre de formation, en blouse blanche et protégés par des masques pour éviter une substance très toxique dégagée par le F-16 accidenté.