Les Grecs ont donné dimanche une victoire historique au parti de gauche radicale Syriza, en espérant «laisser l'austérité derrière» eux, a affirmé Alexis Tsipras, premier dirigeant européen élu sur le rejet explicite des politiques difficiles imposées par l'UE à ses membres après la crise.

Le premier discours du nouvel homme fort de la Grèce n'a pas permis de cerner clairement ses intentions. Il a en effet soufflé le chaud et le froid: «le verdict du peuple grec signifie la fin de la troïka», a-t-il d'abord lancé, évoquant les experts de la BCE, l'UE et du FMI, qui dictent à la Grèce une politique d'austérité depuis quatre ans en échange de 240 milliards d'euros de prêts pour sauver le pays de la faillite.

Mais quelques minutes plus tard, il s'est montré plus conciliant, déclarant que le nouveau gouvernement «serait prêt à coopérer et à négocier pour la première fois avec ses partenaires une solution juste, viable et qui bénéficie à tous».

Les partenaires européens d'Athènes avaient manifesté des craintes à la perspective de la victoire de Syriza.

Le président français François Hollande a été parmi les premiers à féliciter M. Tsipras, lui faisant part de «sa volonté de poursuivre l'étroite coopération entre nos deux pays, au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro, dans l'esprit de progrès, de solidarité et de responsabilité qui est au coeur des valeurs européennes que nous partageons».

Le Premier ministre britannique David Cameron s'est en revanche ouvertement inquiété, sur son compte Twitter, d'une élection grecque qui «accroîtra l'incertitude économique en Europe».

Signaux 

L'UE, indiquait-on à Bruxelles, semblait vouloir envoyer des signaux à M. Tsipras dès lundi, lors justement d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro consacrée au programme d'aide à la Grèce. Le pays doit théoriquement en finir fin février avec le programme d'aide de l'UE, avec 7 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la clé.

«On ne va pas échapper à une renégociation (sur la dette), la question est "sur quoi va-t-elle porter": les échéances, les montants, ou les deux?», confiait dimanche à l'AFP une source européenne à Bruxelles. «Pour les montants, a-t-elle ajouté, ce sera plus difficile».

C'est pourtant bien une réduction de cette dette gigantesque (300 milliards d'euros et 175% du PIB) qu'Alexis Tsipras veut obtenir, outre la possibilité de redonner un peu d'air aux Grecs dans leur vie quotidienne : remontée du niveau du salaire minimum de 580 à 751 euros, ou suppression de certains impôts, contre l'avis de la troïka.

Le président de la banque centrale allemande, Jens Weidmann, a exhorté M. Tsipras pour sa part à «ne pas faire de promesses illusoires» à ses concitoyens.

Le succès de Syriza a au contraire fait naître l'espoir chez les partis de gauche radicale européens. Pablo Iglesias, le dirigeant de Podemos en Espagne, s'est réjoui que les Grecs aient désormais «un véritable président et non plus un délégué d'Angela Merkel (la chancelière allemande). En France, le leader du parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a évoqué «une lame de fond», «une page nouvelle pour l'Europe».

Le gouvernement conservateur d'Antonis Samaras a été sanctionné pour avoir essayé de satisfaire au maximum les exigences de réformes de la troïka depuis 2012. En effet, la facture est lourde pour la population victime d'un taux de chômage à 25%, ou de réductions de salaires drastiques.

M. Samaras, après une campagne axée sur la peur et l'exagération, a plutôt courtoisement reconnu sa défaire. Il a félicité M. Tsipras au téléphone, déclarant ensuite à la télévision : «Je remets un pays qui est en train de sortir de la crise, qui est membre de l'Union européenne et de la zone euro et j'espère que le prochain gouvernement va maintenir ces acquis».

La victoire a été saluée par une explosion de joie de milliers de supporters, venus de toute l'Europe, au point de ralliement de Syriza, une tente dans le centre d'Athènes.

«Une grande chance pour la Grèce» 

«C'est une grande chance pour la Grèce et l'Europe, une grande, grande chance pour tout le monde», se réjouissait Claudia, une Italienne.

Syriza devait manquer de deux sièges les 151 qui lui auraient permis d'avoir la majorité absolue et «les mains libres», comme l'avait dit M. Tsipras. Mais il devrait pouvoir aisément trouver des appuis parmi les 13 députés du parti souverainiste des «Grecs indépendants», ou des 17 de «la Rivière», nouveau venu de centre-gauche.

M. Tsipras rencontra lundi le président de la République Carolos Papoulias pour discuter de ces questions.

Malgré la vaste enquête qui le vise en tant «qu'organisation criminelle», et l'incarcération pour appartenance à une telle organisation de sept de ses 16 députés actuels, le parti d'inspiration néonazie Aube dorée restait la troisième force du pays, créditée de plus de 6% des suffrages et de 17 députés.

Les marchés asiatiques ont plutôt mal réagi à l'arrivée de Syriza au pouvoir, mais sans panique : l'euro, déjà bas, a touché pendant un instant son plus bas depuis 11 ans, à 1,1098 dollar, avant de se reprendre, tandis que la Bourse de Tokyo chutait de 1,29% à l'ouverture.