Prudence avec Nouvelle Démocratie? Espoir de changement avec Syriza? Les électeurs grecs profitaient samedi d'un repos médiatique imposé pour réfléchir une dernière fois à leur vote, à la veille de législatives qui pourraient bouleverser l'Europe et la passionnent.

«Attachez vos ceintures», titrait samedi l'hebdomadaire libéral Proto Thema, en référence au succès attendu du parti de la gauche radicale Syriza dont personne ne doute plus de la victoire.

Celle-ci porterait au pouvoir Alexis Tsipras, député européen de 40 ans, ouvertement anti-austérité.

M. Tsipras souhaite en particulier «fermement» renégocier les 175 % de PIB (plus de 300 milliards d'euros) de dette qui plombent le pays depuis la crise.

Et il a fait comprendre que, tout en respectant les institutions européennes proprement dites, il ne s'estime pas tenu de remplir les obligations fixées par la troïka des créanciers (UE, BCE, FMI), qui a imposé à la Grèce une discipline de fer depuis quatre ans, en échange de ses 240 milliards d'euros de prêts.

Une victoire de Syriza pourrait en entraîner d'autres en Europe, comme celle du parti ami Podemos en Espagne, ou une poussée du Front de gauche en France. Même des partis souverainistes marqués très à droite, comme le Front national en France, considèrent qu'une victoire de Syriza apporterait de l'eau à leur moulin.

Valises prêtes

Alexis Tsipras et le premier ministre conservateur Antonis Samaras ont tenu leurs dernières réunions, vendredi soir, le premier à Héraklion en Crète, le second à Athènes.

L'aurevoir de M. Samaras à ses partisans, brandissant une marée de drapeaux bleus et blancs grecs, a sonné un peu comme un adieu. I Avghi, journal très proche de Syriza, caricaturait samedi le premier ministre en train de rouler un tapis rouge à son nom, deux valises prêtes à côté de lui.

Les partenaires de la Grèce semblent aussi avoir pris acte du changement à venir. Vendredi, le ministre des Finances français Michel Sapin évoquait le «laps de temps» à donner après dimanche au gouvernement grec «pour être en capacité de dialogue». Un propos qui paraîtrait étrange si les sondages montraient une continuité du pouvoir en Grèce.

Samedi, les électeurs étaient sevrés d'informations politiques à la radio et à la télévision, la loi prévoyant qu'à la veille du scrutin, ils ne doivent subir aucune influence.

Cela n'empêchait pas les candidats d'être en ville, rencontrant dans des «off» très médiatisés des membres de leurs équipes de campagne, partisans ou journalistes.

M. Tsipras est allé déjeuner dans un café du centre d'Athènes, en chemise bleu marine et tout sourire.

Dans son camp, on misait sur un écart de 5 à 10 points avec Nouvelle Démocratie dimanche, sans être certain d'obtenir la majorité absolue de 151 sièges sur 300. On espérait cependant, le cas échéant, pouvoir réaliser des alliances avec d'autres petits partis, ce qui éviterait de devoir retourner aux urnes début mars.

M. Samaras, en parka et détendu lui aussi, a pour sa part rencontré ses partisans au kiosque de son parti sur la place Syntagma.

À l'attention de la presse étrangère, le premier ministre a estimé que «les 14 % d'indécis sont avec nous». «Les gens veulent la stabilité», a-t-il assuré.

Surtout, de nombreux électeurs, même de Syriza, se gardent d'avoir trop d'illusions. Résumant un sentiment souvent exprimé, Evdokia Kasoli, retraitée, jugeait Alexis Tsipras «présentable, avenant et agréable à écouter... Mais que peut-il faire dans la situation où nous sommes?» s'interrogeait-elle.

Le monde entier est en tout cas venu en Grèce suivre l'évènement: 876 journalistes sont accrédités - 35 % de plus qu'aux législatives de 2012 au plus fort de la crise - dont 497 étrangers, venus de 45 pays.