Un quotidien allemand de Hambourg, qui avait publié des caricatures de Mahomet provenant de Charlie Hebdo, a été la cible dimanche matin d'une attaque avec un engin incendiaire, sans faire de victimes, la première du genre depuis l'attentat meurtrier contre l'hebdomadaire satirique français.

Un engin incendiaire a visé le Hamburger Morgenpost dans la nuit de samedi à dimanche, mais la police de Hambourg se refusait dans un premier temps à faire un lien avec les événements de Paris.

Cette attaque est survenue alors que des ministres européens de l'Intérieur se sont réunis à Paris, où ils sont convenus de renforcer la lutte contre le terrorisme.

Dimanche après-midi, le siège du quotidien belge Le Soir à Bruxelles, qui avait lui aussi publié des caricatures de Charlie Hebdo, a été évacué après des menaces d'un individu se réclamant de l'extrême gauche et protestant contre le traitement de l'attaque contre l'hebdomadaire français.

Samedi, la chancelière allemande, Angela Merkel, était précisément à Hambourg pour une réunion de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), son parti conservateur. Dans son discours, elle a souligné le nécessaire échange d'informations policières entre les États de l'espace Schengen.

Avant même les attentats à Paris, depuis l'automne, un mouvement anti-islam n'a eu de cesse de gagner en ampleur en Allemagne.

Le groupe Pegida (acronyme allemand pour Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident) a rassemblé près de 18 000 manifestants lundi dernier à Dresde et entend tirer profit du massacre commis à Charlie Hebdo au nom du djihad pour se renforcer.

Toutefois, les opposants à Pegida demeurent toujours nettement plus nombreux dans le pays. Samedi à Dresde, quelque 35 000 personnes ont défilé pour défendre une société ouverte et tolérante.

Dimanche, le ministre de la Justice, Heiko Maas, a appelé Pegida à renoncer à la manifestation de lundi: «les victimes (de Paris) ne méritent pas d'être instrumentalisées par des agitateurs comme eux», a déclaré le ministre au quotidien populaire Bild, à paraître lundi.

À Hambourg, «des pierres puis un engin incendiaire ont été lancés à travers une fenêtre» du quotidien vers 2 h 20 locale), déclenchant un début d'incendie, a déclaré à l'AFP la porte-parole de la police, Karina Sadowsky. «Deux pièces ont subi des dégâts, mais le feu a été éteint rapidement», a-t-elle précisé.

Deux hommes de 35 et 39 ans, au comportement suspect, ont été interpellés dans le quartier.

«Le motif n'est pas clair, il n'y a pas de revendication et pas d'autre indication», a précisé Mme Sadowsky, ajoutant qu'une enquête avait été ouverte. Elle s'est refusée à lier cet incident aux attentats de Paris.

Interrogé à la manifestation à Paris, le ministre de l'Intérieur, Thomas de Maizière, est resté prudent, tout en estimant que cette affaire montrait «que nous avons raison de nous inquiéter et d'être vigilants».

Le Hamburger Morgenpost, tabloïd connu localement comme le MOPO et qui tire à 91 000 exemplaires, avait publié des caricatures de Charlie Hebdo en Une après le massacre qui a coûté la vie à 12 personnes, dont cinq dessinateurs de l'hebdomadaire satirique, mercredi, avec en titre: «Autant de liberté doit être possible».

Plusieurs journaux allemands avaient fait de même.

«Une épaisse fumée flotte encore dans l'air, la police cherche des indices», écrivait dimanche matin le journal sur son site internet. «Attaque incendiaire contre le MOPO - à cause des caricatures de Charlie Hebdo

Plus tard, la référence à Charlie Hebdo a été retirée, le journal mettant en ligne une réaction de l'instance représentative locale de la presse qui condamne une «attaque lâche et sournoise contre la liberté de la presse».

Selon des informations de presse, le MOPO avait engagé des gardes pour renforcer sa sécurité.

Les milieux islamistes de Hambourg sont apparus sur le devant de la scène en 2001 lorsqu'il fut révélé que trois des auteurs des détournements d'avions aux États unis le 11 septembre, dont leur leader Mohammed Atta, vivaient dans la cité portuaire de quelque 2,4 millions d'habitants.

Citant une source non identifiée de l'agence américaine de renseignements NSA, le journal allemand Bild am Sonntag estime pour sa part dimanche que le massacre commis à Charlie Hebdo pourrait annoncer une vague d'attaques en Europe menées par des terroristes djihadistes.

Samedi, la justice allemande a annoncé l'arrestation d'un Allemand de 24 ans, soupçonné d'avoir rejoint les rangs de l'organisation de l'État islamique en Syrie.

L'homme n'a aucun lien avec les attentats de Paris.