L'opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny a fait appel de son assignation à résidence mercredi, au lendemain de sa condamnation à une peine avec sursis et après une manifestation au cours de laquelle une centaine de ses partisans ont été interpellés.

«La défense d'Alexeï Navalny a fait appel du verdict (datant du 19 décembre) de la cour de l'assigner à résidence, jusqu'à l'entrée en vigueur du jugement» rendu mardi qui l'a reconnu coupable de détournements de fonds, a écrit sur Twitter Vadim Kobzev, avocat de l'opposant.

Assigné à résidence jusqu'au 15 février, Alexeï Navalny a été brièvement arrêté mardi soir, alors qu'il tentait de se rendre à une manifestation de ses partisans organisée au pied des murailles du Kremlin.

«Oui, l'assignation à résidence est toujours en vigueur, mais aujourd'hui, j'ai trop envie d'être avec vous. C'est pourquoi je me rends moi aussi à la manifestation», avait-il lancé sur sa page Twitter.

Le Service de l'exécution des peines (FSIN) a déposé plainte mercredi pour «violation de l'assignation à résidence» auprès de la justice, qui a toutefois décidé d'ignorer cette transgression, selon un porte-parole cité par l'agence de presse Ria Novosti.

Le charismatique blogueur avait appelé ses partisans à descendre dans la rue pour «détruire» le régime du président Vladimir Poutine après avoir été condamné à trois ans et six mois de prison avec sursis, tandis que son frère Oleg a été condamné à la même peine, mais de prison ferme.

Cette condamnation pour «escroquerie» est considérée par l'opposition en Russie comme un règlement de compte politique organisé par le Kremlin contre Navalny.

Environ 1.500 personnes selon la police avaient répondu à l'appel de M. Navalny mardi soir malgré un froid glacial sur la place du Manège, à deux pas du Kremlin, quadrillé par d'importants effectifs policiers.

Au cours de la manifestation, qui a duré près de trois heures, une centaine de manifestants ont été interpellés, a indiqué la police.

70 manifestants jugés 

Plus de 70 d'entre eux étaient toujours détenus mercredi par la police et devaient être jugés pour refus d'optempérer et participation à une manifestation non-autorisée, selon un membre de l'ONG russe OVD-Info spécialisée dans le suivi des arrestations, cité par l'agence de presse et radio Ekho Moskvy.

L'ONG estime qu'au total, 255 personnes ont été arrêtées.

Selon Ria Novosti, deux participants ont d'ores et déjà été condamnés à 15 jours de détention.

Alors que la manifestation s'était déroulée dans le calme, le député pro-Kremlin Frants Klintsevitch, par ailleurs président des anciens combattants de la guerre en Afghanistan, a mis en garde «ceux qui voudraient organiser un Maïdan à Moscou». «Nous ne le laisserons pas faire», a-t-il déclaré en menaçant de faire descendre dans la rue les anciens militaires.

Critiques de l'UE et des États-Unis 

L'arrestation d'Alexeï Navalny intervient en épilogue d'une année que la Russie du président Poutine a marquée de son empreinte, de l'annexion de la Crimée au conflit dans l'est de l'Ukraine entraînant une détérioration de ses relations avec les Occidentaux.

L'Union européenne a critiqué la condamnation de l'opposant, estimant que le «verdict de culpabilité (...) semble avoir une motivation politique».

Les États-Unis se sont dits «troublés par le verdict», qualifiant de «développement inquiétant» cette condamnation.

La diplomatie russe a répondu mercredi dans un communiqué en intimant aux Occidentaux de cesser «de tenter de faire pression sur le système judiciaire russe et de politiser une affaire criminelle», leur «conseillant de s'occuper plutôt de ce qui se passe chez eux».

Accusé par ses détracteurs d'être soutenu par l'Occident pour provoquer un changement de régime en Russie, Alexeï Navalny, avocat de formation, était accusé avec son frère Oleg d'avoir escroqué près de 400 000 euros à une filiale russe de la société française de cosmétiques Yves Rocher en surfacturant en 2008 leurs services alors qu'ils géraient une entreprise de transport.

L'arrestation du frère d'Alexeï Navalny «rappelle fortement les méthodes de l'époque soviétique lorsqu'on punissait les familles de dissidents», relèvent les analystes du think tank Eurasia Group dans une note.

«Le jugement de Navalny est un indicateur de la façon dont le Kremlin perçoit ses priorités et ses vulnérabilités à l'aube d'une année où les difficultés économiques et géopolitiques seront de plus en plus sérieuses», jugent-ils.