Sur fond de crise économique, Vladimir Poutine a choisi de jouer la carte de la victimisation hier, accusant les pays occidentaux d'être à l'origine des maux qui frappent actuellement la Russie.

Lors de sa rencontre de fin d'année avec les médias, qui a duré trois heures, il a indiqué que les sanctions imposées en réaction à l'annexion de la Crimée et au soulèvement dans l'est de l'Ukraine avaient contribué à l'effondrement du rouble. Et que l'objectif véritable de ces mesures était de mettre son pays au pas.

Le politicien a illustré son argument en comparant la Russie à un ours. «Je me demande parfois s'ils laisseraient l'ours tranquille s'il se contentait de manger en silence des baies et du miel [...] Mais non, ils ne le feraient pas parce qu'ils voudront toujours l'enchaîner. Et dès qu'ils l'auront fait, ils lui arracheront les dents et les griffes», a-t-il déclaré selon un compte rendu de la BBC.

Poussant la métaphore, il a ajouté que la Russie pourrait être transformée en «animal empaillé» tandis que ses agresseurs s'empareraient de ses ressources naturelles.

Il a assuré que son pays cherchait une solution négociée à la crise ukrainienne en faisait valoir que les États-Unis, et non la Russie, se montraient les plus belliqueux.

«Le budget du Pentagone est 10 fois plus élevé que les dépenses militaires de la Russie et vous dites que nous sommes les agresseurs? Est-ce que c'est logique?», a-t-il lancé à un journaliste.

Le chef d'État n'a pas voulu écarter par ailleurs la possibilité que les États-Unis se soient concertés avec l'Arabie saoudite pour faire plonger le cours mondial du pétrole et punir l'économie russe. «Ça pourrait être vrai», a-t-il noté en relevant que l'objectif premier des Saoudiens était plus probablement de rendre la production de pétrole de schiste moins rentable.

La Russie est très dépendante du marché énergétique et a vu ses revenus fondre à mesure que le prix du baril de pétrole chute. Le rouble a suivi une courbe similaire, poussant la banque centrale à annoncer il y a quelques jours une importante hausse des taux d'intérêt.

Pas de mea-culpa

Yann Breault, spécialiste de la Russie rattaché à l'Université du Québec à Montréal, note que les médias du pays sous contrôle du Kremlin relayent en boucle l'idée que le gouvernement du pays n'a rien à voir avec la crise actuelle.

L'absence de mea-culpa du dirigeant russe relativement à sa politique ukrainienne est particulièrement «inquiétante» pour la suite des choses, estime le chercheur.

«La Russie contrôle le rythme de dégradation des rapports [avec les pays occidentaux] mais reste dans une logique d'escalade», souligne-t-il.

Le président russe s'est dit confiant que la crise économique actuelle se résorberait au maximum d'ici deux ans. Il n'a pas exclu qu'il soit nécessaire de «réduire les dépenses sociales» si les problèmes persistent trop longtemps.

Selon M. Breault, le dirigeant russe semble demeurer bien en selle pour l'heure et n'hésite pas à envoyer des messages musclés pour décourager toute contestation interne de son autorité.

Hier, il a ironisé en conférence de presse sur le risque d'une révolution de palais en relevant qu'il n'avait pas de palais.

«La Russie est très énigmatique dans son organisation du pouvoir alors il ne faut jamais rien exclure. Tout peut arriver», prévient M. Breault.