François Hollande est monté jeudi en première ligne pour dénoncer «le pire» et «le mal» qui traversent la société française, après une agression antisémite qui suscite l'indignation d'autorités religieuses dans un contexte de recrudescence d'agressions contre la communauté juive.

C'est une «forme de violence d'autant plus insupportable qu'elle vise à diviser», a stigmatisé le président français. Cette agression, subie par un couple de Créteil, petite ville de l'est de Paris à forte minorité juive, montre que «le pire existe», que «le mal traverse nos sociétés», a-t-il affirmé lors d'une intervention à l'Elysée.

«Il ne faut pas généraliser à partir d'un cas, mais il y a aujourd'hui un climat qui est devenu inquiétant en France», estime le sociologue Michel Wieviorka. Il considère que l'une des raisons en est «la situation tendue entre Israël et les Palestiniens, qui durcit les choses».

Trois hommes armés avaient pénétré de force lundi dans l'appartement d'une famille juive où se trouvait l'un des fils, âgé de 21 ans et sa petite amie de 19 ans, qui a été violée.

«Ils m'ont dit: vu que vous êtes une famille juive, vous avez de l'argent», a raconté le jeune homme aux médias. «Je leur ai répondu que, même si on en avait, il serait à la banque. Ils ont répondu: les juifs, ça garde leur argent chez eux», a ajouté la victime, prénommée Jonathan, qui a voulu garder l'anonymat.

Les agresseurs ont fouillé l'appartement, s'emparant des bijoux et extorquant les numéros des cartes bleues, et l'un d'eux a violé la jeune femme pendant qu'un autre allait tirer de l'argent à un distributeur bancaire, a-t-il encore raconté.

Deux des agresseurs et un complice présumés ont été arrêtés. Ils sont aussi soupçonnés d'avoir «roué de coups» début novembre un septuagénaire de confession juive dans la même ville où vivent 20 000 juifs.

«Destruction du rêve français»

Cette affaire survient dans un contexte de montée des actes antisémites en France, dont le nombre a presque doublé (+91 %) au cours des sept premiers mois de l'année par rapport à la même période de 2013, selon le Service de protection de la communauté juive (SPCJ).

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH, autorité indépendante créée par le gouvernement) a relevé «une baisse de la tolérance» en 2013 concernant les juifs, «pour la première fois» depuis 1990. Elle souligne la persistance d'«un certain nombre de clichés», en particulier par rapport à l'argent.

En juillet, des cris de «Mort aux juifs» avaient été lancés lors de manifestations organisées pour dénoncer l'offensive israélienne alors en cours à Gaza.

Entre 500 000 et 600 000 juifs vivent en France, ce qui en fait la première communauté juive d'Europe, et la troisième au monde derrière Israël et les États-Unis.

Pour la première fois, la France s'est classée cette année en tête des pays d'émigration vers Israël avec 6237 départs au 31 octobre, contre 2555 un an plus tôt. Un phénomène dû à une économie française en berne et un climat d'«antisémitisme décomplexé», selon des responsables juifs.

Les actes visant les musulmans sont aussi en hausse en France, de 12 % de janvier à septembre 2014, même si les menaces contre eux ont baissé de 45 %, selon l'Observatoire national contre l'islamophobie.

«La recrudescence des actes racistes et antisémites ces derniers mois doit interpeller l'ensemble de la société», a réagi l'Union des mosquées de France (UMF), qui a condamné «avec la plus grande vigueur» l'agression de Créteil.

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a déploré jeudi «la persistance de préjugés abjects» concernant les juifs et souligné que «racisme et antisémitisme sont synonymes de la destruction programmée du rêve français».

Avant François Hollande, son premier ministre Manuel Valls avait lui aussi estimé que l'agression était «la démonstration immonde que la lutte contre l'antisémitisme est un combat de tous les jours».