Le président catalan, Artur Mas, se dit favorable à la tenue d'élections anticipées centrées sur la question de l'indépendance pour maintenir la pression sur le gouvernement espagnol. Mais il est loin d'être certain qu'un tel scrutin aura lieu.

Antonio Roldán Monés, un analyste de l'Eurasia Group, juge que le politicien catalan cherche surtout à consolider son emprise sur le pouvoir en invitant les autres partis indépendantistes à former une coalition avec sa formation en prévision d'un tel vote.

«Que ça fonctionne ou non, il va sortir gagnant de l'exercice», note en entrevue M. Monés.

L'appel de M. Mas a d'abord pour effet, dit-il, de mettre la pression sur le plus important parti de gauche indépendantiste, Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), qui rechigne à s'allier à lui en vue d'hypothétiques élections. Les autres partis ont déjà rejeté un tel regroupement stratégique.

«Si les dirigeants de l'ERC refusent son invitation, ils vont se faire accuser de ne pas être de vrais nationalistes et de ne pas agir en faveur de l'indépendance du pays», relève M. Monés.

Xavier Arbos, un constitutionnaliste basé à Barcelone, est aussi d'avis que l'invitation laisse peu de marge aux dirigeants de l'ERC, qui souhaitaient profiter de la vague indépendantiste catalane pour enregistrer des gains électoraux.

«Ce sera très compliqué pour eux de justifier le fait de ne pas participer à la coalition», dit-il.

S'ils refusent malgré tout, Artur Mas aura beau jeu de rejeter la tenue d'élections anticipées et de rester en poste jusqu'à l'expiration de son mandat en 2016, note M. Monés.

Le président catalan, dit-il, miserait alors sur l'arrivée au pouvoir d'un nouveau parti à Madrid en 2015 pour répondre aux attentes nationalistes de la population. Des élections législatives sont prévues à l'automne et un nouveau parti sur la scène nationale, Podemos, plus ouvert à la décentralisation des pouvoirs, est en forte ascension dans les sondages.

«Artur Mas tenterait alors de négocier un nouveau pacte fiscal et culturel avec le gouvernement, ce qui est son véritable objectif», note M. Monés.

Si l'ERC accepte par ailleurs de se joindre à la coalition proposée, il est loin d'être clair qu'elle sera en mesure de remporter une majorité lors d'élections anticipées en Catalogne, souligne l'analyste de l'Eurasia Group.

Dans ce cas, les indépendantistes seraient en mauvaise position pour négocier avec Madrid. Artur Mas pourrait dans ce contexte mettre le holà temporairement aux revendications indépendantistes en attendant l'échéance électorale nationale, dit M. Monés.

Le président de la région autonome a indiqué lundi que l'obtention d'une majorité forte marquerait le point de départ d'un processus unilatéral devant déboucher, au bout d'une année et demie, sur la création d'un État catalan indépendant.

Barcelone contre Madrid

Madrid a multiplié les manoeuvres cette année pour empêcher la tenue prévue en novembre d'un référendum sur l'indépendance de la Catalogne, forçant le gouvernement régional à se rabattre sur une consultation publique sans valeur légale. Environ 80% des participants ont voté Oui lors du scrutin tenu il y a quelques semaines.

La justice espagnole a annoncé qu'elle entendait lancer des poursuites contre Artur Mas pour avoir participé à l'organisation de la consultation, déclarée illégale par le Tribunal constitutionnel du pays.

M. Arbos juge que les poursuites ont peu de chances d'aboutir. Elles ont surtout eu pour effet, dit-il, de consolider le leadership du président catalan.