La 18e duchesse d'Albe, Maria del Rosario Cayetana Fitz-James Stuart, considérée comme l'aristocrate la plus titrée au monde, est décédée jeudi à l'âge de 88 ans à Séville, a-t-on appris auprès d'un porte-parole de la famille.

«Son décès s'est produit ce matin», a déclaré ce porte-parole, joint par l'AFP. La fantasque aristocrate, qui accumulait plus de 40 titres de noblesse dont cinq de duchesse et 18 de marquise, deux fois veuve et trois fois mariée, à la tête d'une grande fortune, avait été hospitalisée dimanche pour une pneumonie.

Elle avait été ramenée chez elle juste avant de perdre connaissance, mardi soir. Dès mercredi, des curieux avaient commencé à affluer vers le Palacio de Duenas, sa résidence de Séville. La duchesse d'Albe, mère de six enfants, était très aimée par de nombreux Espagnols, y compris au sein des couches populaires, qui adoraient son anticonformisme.

L'aristocrate la plus titrée au monde

Connue pour son inimitable chevelure blanche volumineuse, ses robes aux couleurs vives et son immense fortune, la 18e duchesse d'Albe est devenue en Espagne une légende adulée de la presse à potins.

Issue de l'une des plus illustres familles de grands d'Espagne, Maria del Rosario Cayetana Fitz-James Stuart accumulait plus de quarante titres de noblesse, dont cinq de duchesse, 18 de marquise ou 18 autres de comtesse, selon le livre Guinness des records.

«Le roi d'Espagne et la reine d'Angleterre devraient normalement plier le genou», assurait il y a quelques années un guide de son somptueux palais madrilène de Liria, où elle est née le 28 mars 1926.

Balayant cette affirmation comme «de la pure littérature», Cayetana Fitz-James Stuart n'avait pas manqué de faire la révérence à la reine d'Angleterre lors d'une visite de la souveraine en 1988 en Espagne.

Du même âge, toutes deux s'étaient alors remémoré leur enfance passée à Londres, lorsque le père de la duchesse y était ambassadeur et qu'elle rendait visite au palais de Buckingham à celle qui n'était encore qu'une princesse.

Reine incontestée de la presse à potins, la duchesse d'Albe n'avait pas peur de faire parler d'elle. «Si on t'oublie, tu n'es rien», déclarait-elle à l'automne 2011 alors qu'elle défrayait la chronique pour son mariage en troisièmes noces avec un fonctionnaire de 25 ans son cadet.

Cette cérémonie au parfum de scandale avait provoqué la méfiance de ses six enfants, cinq garçons et une fille dont les histoires d'amour tourmentées avec toréros et footballeurs ont fait pendant des années le régal des médias. Pour apaiser leurs craintes, «Cayetana», comme elle est connue affectueusement en Espagne, avait décidé de répartir de son vivant son riche héritage.

Rumba sous les «Olé»

Connue pour son franc-parler, l'aristocrate avait toutefois tenu à affirmer : «Je ne suis pas quelqu'un qui se laisse manipuler. J'ai mes propres idées et je tente de les faire devenir réalité.»

Après la cérémonie, organisée dans sa ville «adorée» de Séville, cette forte tête, dont les traits extravagants laissaient soupçonner un abus de chirurgie esthétique, n'avait pas hésité à se déchausser pour esquisser quelques pas de rumba au son des guitares, sous les «Olé» des admirateurs réunis face à son palais de la Casa de Dueñas.

Limitées aux membres de sa famille et à ses amis, ces noces s'étaient finalement montrées plus discrètes que sa première union, en 1947, avec le duc Pedro Luis Martinez de Irujo. Âgée de 21 ans, la duchesse s'était parée de bijoux d'une valeur estimée à 1,1 million d'euros (près de 1,6 million de dollars) pour recevoir un millier d'invités. Après le décès de son premier époux, elle s'était remariée avec un ancien prêtre jésuite, Jesus Aguirre, mort en 2001, un «coup de foudre», selon la presse.

À la tête de l'une des plus importantes fortunes d'Espagne, estimée par la presse à entre 600 millions et 3,5 milliards d'euros (855 millions et près de 5 milliards de dollars), l'aristocrate possédait plusieurs palais et des terrains si vastes que la légende disait qu'elle pourrait traverser le pays sans quitter ses terres.

Dix-huitième chef de la Maison d'Albe, un titre qui lui octroie le droit d'entrer à cheval dans la Cathédrale de Séville, Cayetana Fitz-James Stuart avait fait prospérer le riche héritage de ses ancêtres. Grâce en partie aux abondantes subventions agricoles européennes, accusaient ses détracteurs, nombreux parmi la gauche espagnole et les syndicats d'agriculteurs andalous.

L'aristocrate et ses enfants auraient ainsi reçu 1,8 million d'euros (2,6 millions de dollars) en aides venant de la Politique agricole commune (PAC) sur la seule année 2003, selon un rapport de l'ONG OXFAM.

Descendante d'une lignée dont les portraits de famille sont oeuvres de maîtres tels que Titien ou Goya, sa fortune comprenait également des tableaux de Rubens, Chagall, Rubens ou Miro.

«Picasso voulait me peindre comme la Maja de Goya, mais mon mari l'avait refusé», expliquait la duchesse en 1947 au journal ABC, en souvenir des tableaux La Maja vêtue («La Maja vestida») et La Maja nue («La Maja desnuda»)» que le maître espagnol avait peints entre la fin du 18e et le début du 19e, prenant pour modèle, selon la légende, sa trisaïeule, Maria Teresa del Pilar.

C'est son fils aîné, Cayetano Martinez de Irujo, duc de Huescar, qui porte désormais le titre de duc d'Albe, chef de la maison d'Albe, fondée au 15e siècle.

-Avec Anna Cuenca

PHOTO HUGO CORREIA, ARCHIVES REUTERS

Maria del Rosario Cayetana Fitz-James Stuart, en février 2012.