Les députés roumains ont enterré mardi un projet de loi controversé sur l'amnistie, une première victoire pour le nouveau président Klaus Iohannis qui veut éradiquer le fléau de la corruption dans cet ancien pays communiste.

Le texte, qui aurait permis à de nombreux élus accusés de corruption d'échapper à la justice, a été rejeté par 293 des députés présents à la session parlementaire. Un a voté pour, un autre s'est abstenu.

Au lendemain de son élection surprise, M. Iohannis, leader de la droite et premier président roumain issu de la minorité allemande, avait appelé lundi les députés à «rejeter dès mardi la loi sur l'amnistie et à donner son feu vert à toutes les demandes de poursuites formulées par le parquet anticorruption (DNA)».

Un appel relayé par le grand perdant du scrutin, le premier ministre social-démocrate Victor Ponta dont la coalition de gauche détient une large majorité au Parlement.

Le maire de Sibiu (centre), 55 ans, avait axé sa campagne sur la lutte contre la corruption et la consolidation de l'État de droit dans ce pays de quelque 20 millions d'habitants, le plus pauvre de l'Union européenne après la Bulgarie.

La justice a réalisé de grands progrès ces dernières années en Roumanie, qui fait l'objet d'une stricte surveillance de Bruxelles. Un ancien premier ministre, le social-démocrate Adrian Nastase, s'était même retrouvé derrière les verrous après avoir été reconnu coupable de corruption en 2012.

Mais juges et procureurs redoutaient un retour de bâton en cas de victoire de Victor Ponta, dont de nombreux amis politiques font l'objet d'enquêtes, et qui s'est toujours montré ambigu sur son engagement à préserver l'indépendance du troisième pouvoir.

Message compris

Le jeune chef du gouvernement de 42 ans est tombé de haut dimanche. La mobilisation populaire, alimentée par la colère sur les conditions déplorables du vote de la diaspora et un ras-le-bol à l'égard d'une élite politique «corrompue», lui a dérobé une victoire qu'il croyait acquise.

Lundi soir, il a assuré avoir «compris le message» des électeurs.

Mardi, l'ancien procureur devenu le plus jeune premier ministre à l'âge de 39 ans en 2012 a réaffirmé son intention de rester en poste, tout en se montrant prêt au dialogue avec Iohannis.

«Les leaders de la coalition et moi-même exprimons notre volonté d'avoir un dialogue avec le nouveau président élu Klaus Iohannis», a déclaré M. Ponta.

«La Roumanie a toujours besoin, plus que jamais, de stabilité et de prédictibilité», a-t-il ajouté.

La cohabitation avec le président conservateur sortant Traian Basescu avait été marquée par un affrontement permanent, qui a reporté la mise en place de réformes cruciales pour le pays, notamment de l'administration inefficace, ou du système de santé vétuste.

Le projet de loi définitivement enterré remonte à décembre 2013. Lors d'un «mardi noir», le texte avait été adopté dans la nuit par une partie seulement des membres de la commission juridique de la Chambre des députés, puis soumis au vote article par article. Mais le vote sur l'ensemble du texte avait été reporté, après une demande de Traian Basescu et de vives critiques de l'Occident. Depuis la situation était au point mort.

La loi prévoyait en particulier de gracier les personnes déjà condamnées à des peines allant jusqu'à 6 ans de prison, sauf en cas de violence. Les cas de corruption faisaient partie du paquet.

Le même jour, les députés avaient adopté des amendements octroyant une super immunité aux élus et au président de la République, qui fut finalement bloqué par la Cour constitutionnelle.