Grande réforme de société du président socialiste François Hollande, la légalisation en France du mariage homosexuel déchire à nouveau l'opposition de droite, sur fond de guerre tactique entre son prédécesseur Nicolas Sarkozy et ses rivaux pour la reconquête du pouvoir en 2017.

En campagne pour reprendre dans deux semaines la présidence du parti conservateur UMP, l'ex-chef de l'État (2007-2012) a ravivé les braises en proposant ce week-end d'«abroger» la loi qui a ouvert l'an passé le mariage et l'adoption aux couples de même sexe.

Ce clin d'oeil aux adhérents les plus à droite de sa formation l'a démarqué de son plus sérieux concurrent dans l'élection interne qu'il est certain d'emporter, Bruno Le Maire, mais aussi d'Alain Juppé, son grand rival pour la primaire à droite de 2016.

Pour autant, le pari de M. Sarkozy qui affirmait vouloir «rassembler» sa «famille» politique pourrait s'avérer hasardeux.

«La guerre tactique a commencé. À plusieurs niveaux», résume le politologue Pascal Perrineau. Professeur à Sciences-Po Paris, il attribue le revirement de l'ancien président à sa volonté, dans un premier temps, d'«emporter haut la main» sur M. Le Maire la présidence de l'UMP.

«Mais bien sûr, derrière cette élection à l'UMP, il y a la primaire de 2016 et la présidentielle de 2017: Nicolas Sarkozy se rend bien compte que depuis son retour, le rapport de forces s'est aggravé en faveur d'Alain Juppé», explique-t-il.

Pour Philippe Braud, autre politologue, «Sarkozy était obligé de prendre parti. Mais comment fait-on quand sa famille politique est partagée en deux camps émotionnellement aussi opposés ? C'est la quadrature du cercle et presque un cas d'école en stratégie de communication», selon M. Braud.

Alors que le retour en politique de l'ancien président a été jugé raté par deux tiers des Français dans un sondage début novembre, une enquête publiée dimanche ancre Alain Juppé, au profil plus centriste, dans la position de candidat UMP préféré des Français pour 2017.

La situation amène M. Sarkozy, qui reste le chouchou des sympathisants de son parti, à vouloir «créer du clivage pour essayer de marquer sa différence», estime M. Perrineau. Mais, avertit-il, «il n'est pas sûr que ce qui va lui permettre d'obtenir des votes d'adhérents de l'UMP soit une très bonne chose dans la perspective d'une primaire» ouverte au-delà des rangs de la formation.

«D'autres urgences»

«Opportunisme», «électoralisme de circonstance», «pur clientélisme»: l'écrasante majorité de la presse française tirait à boulets rouges lundi sur la proposition faite deux jours plus tôt par Nicolas Sarkozy.

La gauche pour une fois unanime a fustigé pêle-mêle un «coming out homophobe», une instrumentalisation «navrante» des homosexuels «à des fins politiciennes» ou la «capitulation républicaine» d'une droite «sans boussole».

Mais les critiques n'ont pas été avares non plus à droite, où M. Sarkozy a semé la zizanie jusque parmi ses proches.

«On ne va pas rouvrir cette plaie-là, il y a d'autres urgences», a déclaré son ancienne porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet, «pas du tout d'accord avec cette orientation». Selon elle, remettre en cause le mariage homosexuel n'est «ni souhaitable ni possible».

«L'idée que deux personnes du même sexe peuvent s'aimer et donc demander à bénéficier d'un statut officiel, le mariage, est communément admise (...) Cette aspiration-là fait partie des acquis et on ne reviendra pas dessus», a renchéri Alain Juppé.

La société française «a besoin d'apaisement et, pour apaiser, il faut d'abord éviter de ranimer des controverses qui divisent», a-t-il plaidé, reprenant l'argumentaire dimanche du président socialiste François Hollande.

Étoile montante de la jeune génération de l'UMP et l'un de ceux à droite qui n'avaient pas voté contre le mariage homosexuel, Bruno Le Maire avait appelé dès dimanche à ne pas «traiter les Français comme des clientèles».

Dans une France en crise, la résurgence de la querelle traduit aussi la difficulté pour la droite à bâtir un programme économique alternatif à la politique des socialistes au pouvoir.

«C'est évident. Les différences sur le terrain économique et social sont tellement ténues que le débat a tendance à se déplacer sur des sujets sociétaux», relève Pascal Perrineau.