Le premier ministre géorgien Irakli Garibachvili était privé mercredi de sa majorité au Parlement, après avoir limogé le ministre de la Défense, un pro-occidental dont le parti a décidé de quitter la coalition, au pouvoir depuis 2012.

Limogé mardi soir à la surprise générale par le premier ministre, le ministre de la défense Irakli Alassania a annoncé mercredi que son parti, les Démocrates libres, quittait la coalition du Rêve Géorgien, dont ils sont numériquement le troisième groupe parlementaire.

«Les Démocrates libres ne vont plus faire partie désormais de la coalition», a déclaré l'ancien ministre à la presse.

M. Alassania, 40 ans, a été limogé «afin d'éviter la politisation des forces armées géorgiennes et du ministère de la Défense, et afin d'assurer les conditions appropriées pour une enquête indépendante», selon un communiqué publié par le premier ministre Garibachvili.

Cette mesure inattendue a en effet été précédée par l'ouverture de poursuites judiciaires contre plusieurs hauts responsables du ministère de la Défense accusés de corruption, des accusations qualifiées par M. Alassania de «sans fondement et ayant des mobiles politiques».

Depuis le départ des Démocrates libres, la coalition du Rêve Géorgien ne compte plus que 73 membres, soit trois de moins que ceux nécessaires pour que le gouvernement remporte un vote de confiance au Parlement.

Pour l'analyste politique indépendant Gia Nodia, «les dissenssions internes au Rêve Géorgien sont les premières causes de cette crise: M. Alassania était devenu trop populaire».

Départs en cascade

Peu après le limogeage de M. Alassania, la ministre géorgienne des Affaires étrangères, Maïa Pandjikidze, a annoncé à son tour sa démission, ainsi que celle de ses quatre adjoints.

Cette ministre, membre du parti Démocrates libres, dirigé par M. Alassania, un pro-occidental convaincu, a expliqué qu'elle voulait «montrer à quelle menace le pays faisait face».

Selon le vice-premier ministre, Kakha Kaladze, d'autres membres de ce parti, parmi lesquels le ministre de la Justice, pourraient d'ailleurs prochainement suivre l'exemple de Mme Pandjikidze.

Le ministre d'État pour l'Intégration européenne et euro-atlantique, Alexi Petriachvili, un allié de M. Alassania, avait déjà annoncé mardi sa démission pour protester contre les décisions du premier ministre.

«La dictature arrive en Géorgie. Notre démocratie est en danger», a-t-il lancé à la télévision.

«Confrontation politique»

Le président géorgien, Guiorgui Margvelachvili, a  publié d'urgence un communiqué dénonçant «une confrontation politique qui met en danger le fonctionnement des institutions de l'État et l'intégration euro-atlantique du pays».

De son côté, l'ambassadeur américain en Géorgie, Richard Norland, s'est dit préoccupé par les poursuites judiciaires récemment déclenchées contre des responsables politiques dans cette ex-république soviétique du Caucase du Sud.

«Le nombre et la portée des poursuites engagées à l'encontre d'anciens et d'actuels responsables officiels laissent craindre que le système judiciaire ne soit utilisé de manière politisé ou bien à des fins politiques», a-t-il dit.

Des sondages ont montré à plusieurs reprises que M. Alassania était l'homme politique le plus apprécié au sein de la coalition.

Ce dernier, remplacé au poste de ministre de la Défense par Mindia Djanelidze, 36 ans, jusqu'alors secrétaire au Conseil de Sécurité et de gestion des crises, a lié son limogeage à son engagement pro-occidental. «Nous faisons face à une attaque délibérée contre le ministère de la Défense, qui est un lien direct dans notre pays avec l'Otan et l'Union européenne», a-t-il estimé.

Ces déclarations ont été immédiatement démenties par le premier ministre géorgien, les qualifiant de «conjectures irresponsables» et ajoutant que l'orientation occidentale de la Géorgie était «irréversible».

La coalition de partis Le Rêve Géorgien a été constituée en octobre 2012 par le milliardaire Bidzina Ivanichvili et a mis fin à une décennie de pouvoir du Mouvement national uni (MNU) de l'ancien président pro-occidental Mikheïl Saakachvili, à présent exilé aux États-Unis et inculpé en Géorgie d'abus de pouvoir.

M. Ivanichvili a quitté en 2013 son poste de premier ministre et a choisi pour lui succéder son proche allié Irakli Garibachvili, mais nombre d'experts estiment qu'il continue à avoir une grande influence en coulisses sur la politique géorgienne.