Il y a trois ans, l'ETA renonçait à la violence après plus de 40 années de lutte armée. Mais l'organisation séparatiste basque subsiste et réclame un «processus de paix», alors que Madrid veut sa dissolution pure et simple.

«La situation est dans l'impasse» car ni l'État espagnol ni l'ETA ne bougent vraiment, analyse Mikel Buesa, professeur d'économie du terrorisme à l'Université complutense de Madrid.

Toutefois, note cet enseignant proche de la Fondation des victimes du terrorisme, «ces trois dernières années, la défaite militaire de l'ETA s'est confirmée» et le groupe est très affaibli.

Tenue pour responsable de la mort de 829 personnes au nom de l'indépendance du Pays basque et de la Navarre, l'ETA, créée sous la dictature franquiste en 1959, avait cessé tout attentat en Espagne depuis 2009.

Le 20 octobre 2011, elle a annoncé sa décision de renoncer à la violence de manière «définitive».

Depuis, «les deux ou trois commandos qui restaient sur le sol français dans l'attente d'une action éventuelle ont été dissous», explique Jean Chalvidant, un spécialiste français de l'ETA auteur de plusieurs livres sur le sujet.

Selon lui, «il doit rester une quinzaine ou une vingtaine de membres actifs de l'ETA, ''sur le pied de guerre'',» qui ne sont pas emprisonnés. En juillet, l'organisation a d'ailleurs annoncé avoir «démantelé ses structures logistiques et opérationnelles».

«Le combat est passé sur le plan politique», ajoute l'expert. D'autant qu'une coalition de partis nationalistes de gauche est devenue, aux élections d'octobre 2012, la deuxième force politique, derrière les nationalistes de droite du PNV au Pays basque.

Les prisonniers, principal problème

Pour l'heure, le «principal problème» que l'ETA veut résoudre reste celui des prisonniers, résume Mikel Buesa.

Selon le décompte mensuel de septembre de l'association de soutien aux prisonniers basques Etxerat, environ 470 membres de l'ETA sont dispersés dans 76 prisons, dont une centaine en France.

Pour avancer dans le processus de dissolution, l'ETA réclame des négociations avec les gouvernements français et espagnol, notamment sur le sort des détenus et leur regroupement au Pays Basque.

Les prisonniers de l'ETA reconnaissent désormais la «légalité» espagnole et ont indiqué dans une lettre ouverte qu'ils regrettaient la «douleur» causée par le conflit, y compris à leurs victimes.

L'ETA se dit par ailleurs prête à remettre officiellement ses armes.

Mais, comme le martèle Madrid, «le gouvernement espagnol ne négocie pas avec les terroristes» et exige une dissolution sans condition.

Madrid n'envisage de se pencher sur la question des prisonniers, centrale pour l'ETA, que si l'organisation disparaît.

L'Espagne a toutefois dû libérer plusieurs détenus fin 2013, la Cour européenne des droits de l'Homme annulant en partie un nouveau système de calcul de remise de peine, qui permettait de prolonger les incarcérations de détenus jusqu'à la durée légale maximum de réclusion: 30 ans en Espagne.

Loi à l'italienne

Pour Mikel Buesa, le gouvernement pourrait sortir de l'impasse sans négocier avec l'ETA mais par «une loi à l'italienne», comme celle adoptée pour les Brigades rouges en 1987 et permettant aux prisonniers de se réinsérer en se «dissociant» de l'ETA mais «sans se transformer en balances», en dénonçant d'anciens camarades.

Le chef du gouvernement basque, Iñigo Urkullu (PNV, droite nationaliste), est pour sa part favorable à la réinsertion des prisonniers de l'ETA s'engageant sur la voie «de la consolidation définitive de la paix».

Au-delà de la question des prisonniers, refuser d'envisager une forme de «processus de paix» au Pays basque pourrait apporter des voix à l'indépendantisme.

M. Urkullu a assuré récemment au quotidien El Pais qu'au Pays basque depuis trois ans «la situation avait changé», la gauche nationaliste ayant notamment accepté la «légalité espagnole».

Il note aussi les gestes symboliques qui se multiplient comme la présence de représentants de celle-ci à des cérémonies d'hommage aux victimes d'actes terroristes. Et invite le gouvernement à davantage «d'audace» sur la question du désarmement.