En pleine campagne pour devenir secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean prononcera ce matin à Paris un discours en compagnie de l'ambassadeur du Canada Lawrence Cannon et du délégué général du Québec Michel Robitaille. L'ancienne gouverneure générale a rencontré La Presse dans un café en face de la Sorbonne, dont elle fait partie du comité stratégique, pour discuter des enjeux de sa candidature.

Michaëlle Jean, qui brigue le poste de secrétaire générale de la Francophonie, estime qu'il «serait temps» qu'une femme en prenne la tête.

«Je sens chez beaucoup de chefs d'État que cela enverrait tout un signal de modernité. Il serait temps qu'une femme soit à la tête de cette organisation», a-t-elle dit à La Presse.

C'est le dernier de ses atouts qu'elle énumère, mais c'est ce qui la distingue de ses adversaires. L'ancienne gouverneure générale du Canada est également la seule candidate à venir du continent américain. «Une femme du Nord et du Sud», répète-t-elle depuis le début de sa campagne.

Les forces de Michaëlle Jean, selon elle: son expérience sur le terrain à l'international, que ce soit comme envoyée spéciale de l'UNESCO en Haïti, Grand Témoin de la francophonie aux Jeux olympiques de Londres et chancelière de l'Université d'Ottawa. Ses «entrées partout» vont servir «quand la question du financement» va se poser, fait valoir l'ancienne journaliste.

Ses adversaires: l'ancien président du Burundi Pierre Buyoya, l'ex-ministre des Affaires étrangères de Maurice Jean-Claude de l'Estrac, l'écrivain du Congo Henri Lopes, et Agustin Nzé Nfumu, ex-ministre de la Guinée équatoriale.

Michaëlle Jean entend miser sur la formation professionnelle et le réseautage des jeunes, ainsi que sur le rôle des femmes qui participent activement à l'économie - notamment africaine. Elle caresse l'idée «d'un projet économique francophone fort» et «d'un incubateur d'idées» avec «une obligation de résultat».

À l'international, Michaëlle Jean a eu droit à des appuis et à des articles élogieux dans des médias tels que Le Monde et Jeune Afrique. Ce qui pourrait jouer en sa défaveur: le fait qu'elle ne soit pas africaine et que son expérience relève davantage de la diplomatie que de la gestion politique.

Une ambition qui remonte à loin

Pour Michaëlle Jean, l'idée de succéder à Abdou Diouf remonte à 2010, lors de ses dernières visites d'État comme gouverneure générale. «La question m'a été posée souvent», raconte-t-elle.

Après son mandat, même le premier ministre Stephen Harper lui a parlé de succéder à Abdou Diouf.

Ottawa et Québec ont officialisé en juin dernier la candidature de Michaëlle Jean à la tête de l'OIF. L'ancienne journaliste a également reçu l'appui officiel des gouvernements haïtien et néo-brunswickois.

Dans une lettre ouverte parue jeudi dernier dans Le Devoir, l'ex-diplomate Michel Leclerc affirme que l'appui du Canada et du Québec est «précipité et hasardeux», car il favorise «un candidat qui risque d'être défait lors d'un sommet électif», écrit l'ancien délégué général du Québec à Paris.

«C'est une opinion et il y en aura plein», commente Michaëlle Jean.

Michaëlle Jean est en fin de campagne. Si jamais elle devient secrétaire générale de l'OIF, l'administrateur général actuellement en poste, le diplomate canadien Clément Duhaime, devra sans doute démissionner pour assurer un équilibre «nord-sud».

Même Michaëlle Jean ignore comment se déroulera l'élection du secrétaire général avant le 15e Sommet de la Francophonie, les 29 et 30 novembre à Dakar. En 2002, le Sénégalais Abdou Diouf avait succédé plutôt naturellement à l'Égyptien Boutros Boutros-Ghali.

«C'est tellement nouveau pour la Francophonie qu'il y ait une campagne pour la succession! [...] À part les discussions à huis clos où les gouvernements vont se prononcer, on se demande sur quels mécanismes cela va se passer», dit Michaëlle Jean.

En attendant, «l'important est de faire ce parcours d'aller à la rencontre des chefs d'État pour les entendre».

Des appuis dans la presse

«Mme Jean réunit suffisamment d'atouts pour contenter nombreux États et gouvernements du Sud comme du Nord pour succéder à Abdou Diouf. De plus, elle est seule qui pourrait apporter une valeur ajoutée et une touche féminine qui a longtemps manqué à l'OIF.»

- Le politologue Isidore Kwandja Ngembo dans Le Monde

«Excellente communicatrice avec ce qu'il faut de charme et un certain goût pour la transgression, Michaëlle Jean dégage une énergie dont auraient a priori bien besoin un concept - la francophonie - et une institution - l'OIF - encore largement abstraits aux yeux de la plupart des locuteurs de la langue de Molière, de Senghor et de Stromae.»

- Jeune Afrique