La Catalogne a franchi un nouveau cap dans son défi à Madrid vendredi en annonçant qu'elle maintenait son projet de référendum sur l'indépendance, prévu le 9 novembre, passant outre son interdiction provisoire par le tribunal constitutionnel.

Artus Mas, le président catalan, «devrait éviter de continuer à faire des pas dans cette direction,» a déclaré vendredi après-midi la vice-présidente du gouvernement Soraya Saenz de Santamaria, après l'annonce de la création d'une commission électorale chargée de superviser le vote.

«Personne en Espagne ne peut décider ce qui est légal et ce qui ne l'est pas», en dehors des tribunaux, a-t-elle ajouté, avant de préciser que le gouvernement saisirait encore le tribunal de ce nouveau «manquement» à la suspension du processus référendaire que les juges avaient ordonnée lundi.

Pendant ce temps à Barcelone, un porte-parole de l'exécutif catalan, Francesc Homs, annonçait que les partis proréférendum avaient décidé ensemble du «maintien de la convocation avec la volonté de faire participer les citoyens pour qu'ils exercent leur droit de vote le 9 novembre».

Alors que des divisions entre légalistes et partisans d'une désobéissance civile s'étaient fait sentir, les dirigeants de ces mouvements, réunis pour définir une position commune face à l'intransigeance madrilène, ont levé la séance en fin de soirée en réaffirmant à la presse leur «unité» sans révéler quelle stratégie ils avaient décidé d'adopter.

«Nous irons de l'avant et nous le ferons ensemble», a insisté Artur Mas.

Le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy considère que ce référendum, même consultatif, est anticonstitutionnel et entend l'interdire, estimant que toute décision sur l'avenir de la puissante Catalogne - 7,5 millions d'habitants sur les 47 que compte l'Espagne - doit être prise par l'ensemble des Espagnols.

Sur le terrain de l'illégalité

Les nationalistes catalans considèrent de leur côté qu'ils doivent être les seuls à décider. Ils sont échaudés par la dernière décision du tribunal constitutionnel les concernant, remontant à 2010 et annulant en partie un statut d'autonomie de 2006 qui reconnaissait la Catalogne comme une «Nation», en pleine crise économique et sociale.

Et alors que chaque nouveau pas risque de faire basculer la Catalogne dans l'illégalité et provoquer une crise institutionnelle sans précédent depuis la mort du dictateur Francisco Franco en 1975, les juristes s'interrogaient vendredi sur la portée des annonces du jour.

«On est passé sur le terrain de l'illégalité», a ainsi considéré Antonio Torres del Moral, professeur de droit à l'Université nationale d'enseignement à distance (Uned), considérant que le gouvernement pourrait même enclencher des poursuites pénales contre Artur Mas pour «sédition».

«La création de la commission électorale va complètement à l'encontre de la légalité», a aussi estimé Yolanda Gomez, enseignante en droit constitutionnel comme son collègue, rappelant que la décision prise lundi par le tribunal de suspendre la loi permettant l'organisation du référendum jusqu'à son examen au fond interdisait tout acte en découlant.

Au cours de la semaine, M. Mas avait semblé choisir la voie de la modération en gelant la campagne officielle pour le référendum, pour ne pas heurter le tribunal.

Il a surtout semblé vouloir éviter de mettre en difficulté des milliers de fonctionnaires qui s'exposeraient à des sanctions de Madrid s'ils participaient à l'organisation du vote, tout en avançant politiquement par des annonces symboliquement fortes.

Selon des données de l'exécutif catalan, 4834 fonctionnaires et 9200 policiers devraient être mobilisés, et près de 24 390 personnes pour les bureaux de vote, sur les 315 000 employés publics et près de 21 000 membres des forces de l'ordre que compte la région.

Comme l'a noté Javier Perez Royo, de l'Université de Séville, le «droit permet de jouer avec les mots», et l'on peut «créér une commission simplement sur le papier» et dire que l'on «maintient une convocation», pour le référendum juste au cas où le tribunal l'autoriserait finalement.

Le secrétaire général du Parti socialiste (PSOE, opposition) Pedro Sanchez, favorable à une réforme constitutionnelle, a lui continué à se poser en arbitre sans s'opposer frontalement au gouvernement mais en dénonçant par un tweet son «immobilisme (...) carburant de l'indépendantisme».