La Catalogne s'est lancée mardi dans une bataille juridique pour contester la décision du Tribunal constitutionnel espagnol suspendant un référendum d'autodétermination, alors que les indépendantistes appelaient à de nouvelles manifestations.

La présidente du Parlement de la région, Nuria de Gispet, a annoncé mardi qu'elle demanderait au Tribunal constitutionnel la levée immédiate de la suspension de la loi permettant d'organiser le référendum le 9 novembre, au motif qu'elle empêchait la région d'organiser d'autres consultations.

Cette loi n'est pas faite uniquement pour la consultation du 9 novembre et sa suspension «porte préjudice à l'intérêt général», a-t-elle déclaré.

Le gouvernement catalan a suspendu mardi la campagne pour le référendum du 9 novembre sur l'indépendance, afin de respecter la légalité, tout en affirmant sa «détermination» à remplir ses engagements, au lendemain de la suspension de la consultation par le Tribunal constitutionnel espagnol.

«Nous ne pouvons pas mettre le dos au mur les fonctionnaires» locaux, a affirmé à la presse le porte-parole du gouvernement catalan, Francesc Homs, assurant pourtant que «la détermination du gouvernement est de continuer» vers une consultation.

«Nous sommes dans un contexte dans lequel rien n'est terminé. Il y a une procédure par-dessus laquelle on ne peut pas passer. Mais notre volonté est de continuer et nous ferons les choses pour remplir nos engagements en conformité avec le droit», a affirmé le porte-parole.

«On ne peut pas donner le signal qu'on a abandonné. Il n'y a pas de loi annulée. Il n'y a pas de décret annulé», a-t-il ajouté.

Cette puissante région de 7,5 millions d'habitants du nord-est de l'Espagne est en conflit depuis des années avec Madrid, qui lui refuse le droit de se prononcer unilatéralement sur son avenir.

Le président de la Catalogne, Artur Mas, avait signé samedi un décret convoquant la consultation.

Dès lundi, le gouvernement espagnol a présenté un recours au Conseil constitutionnel qui a accepté dans la foulée d'examiner la question et a suspendu le processus référendaire.

Pour le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, «il est démagogique d'appeler à quelque chose qui sonne bien, le droit de s'exprimer, mais en réalité qui prive de ce droit l'ensemble du peuple espagnol».

Les juges «ont franchi le mur du son»

Artur Mas a ironisé sur les juges du Tribunal qui «ont franchi le mur du son. Ils n'ont pas attendu un seul jour», a-t-il commenté lundi.

Son gouvernement doit maintenant fournir son argumentation en faveur du référendum au tribunal qui dispose théoriquement de cinq mois pour se prononcer, mais qui pourrait décider d'aller vite, tant le sujet est explosif.

En tout état de cause, «il n'y a aucun recours possible au niveau européen ou international» de la décision du Tribunal constitutionnel. «Cela se règle au niveau national», explique Antonio Torres del Moral, professeur de droit constitutionnel.

Les indépendantistes crient au scandale et poussent le gouvernement catalan à passer outre les décisions d'un Tribunal constitutionnel qu'ils jugent discrédité depuis qu'il a annulé en partie en 2010 le nouveau statut de la Catalogne la reconnaissant comme «nation».

Dès lundi, la présidente de l'organisation indépendantiste ANC (Assemblée nationale calatane), Carme Forcadell, avait appelé à descendre dans la rue.

«Aujourd'hui commence la construction de notre pays! À 19 h tous devant vos mairies!», a écrit mardi l'ANC sur son compte Twitter. «L'heure est venue. Cela dépend de nous».

«Le Tribunal constitutionnel montre sa totale dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et révèle le peu de respect que les autorités publiques espagnoles ont des règles démocratiques», affirme le collectif des organisations indépendantistes dans un communiqué.

«Et plus important encore, il est clair que nous ne sommes pas confrontés à un problème juridique. Ce qui est sur la table est un conflit politique», dénonce-t-il.

La gauche indépendantiste ERC, alliée d'Artur Mas au Parlement régional, n'est pas loin de dire la même chose.

«Si une bonne partie de ce processus commence par une décision du Tribunal constitutionnel contre la volonté des citoyens de Catalogne (en 2010), quelqu'un croit-il que ce processus doive se terminer avec une décision du tribunal contre la volonté des citoyens de Catalogne?», a demandé le chef d'ERC, Oriol Junqueras.

Signe d'inquiétude sur un conflit qui ne fait que s'envenimer, l'agence de notation Fitch a annoncé lundi avoir placé la notation de la Catalogne sous surveillance négative, en vue d'une éventuelle dégradation, estimant que «les tensions entre les deux gouvernements vont probablement augmenter».