Le retour en France de trois présumés djihadistes qui ont franchi les contrôles frontaliers sans problème alors qu'ils devaient être arrêtés par la police a suscité mercredi les critiques de l'opposition et mis le gouvernement sur la sellette.

Attendues à Paris par les policiers en provenance de Turquie après un séjour en Syrie, ces trois personnes, proches d'un Français abattu par la police en 2012 après avoir tué sept personnes, sont arrivées mardi à... Marseille .

Depuis New York, le président français François Hollande a déclaré qu'il y avait eu «à l'évidence des manquements» et souligné que «la coopération avec la Turquie est absolument indispensable».

«Il n'est pas possible que des personnes qui justement sont suspectées de s'être rendues sur des lieux où il y a eu des combats puissent être renvoyées dans un avion sans aucun accompagnement et sans qu'il y ait d'information préalable des autorités françaises», a-t-il insisté.

Plus tôt, le Premier ministre Manuel Valls avait pudiquement résumé: «Cette affaire ne s'est pas déroulée comme il aurait fallu.»

Son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait de son côté évoqué «un gros cafouillage (...) en grande partie dû aux difficultés, à l'absence de très bonne collaboration avec les services turcs».

«Ce dysfonctionnement (...) mérite qu'une concertation approfondie s'engage entre les autorités françaises et turques, de manière à ce que d'autres événements de ce type ne se produisent pas», a renchéri son collègue de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Ce dernier a annoncé qu'il se rendrait prochainement en Turquie et précisé avoir ouvert plusieurs enquêtes administratives. Outre un problème franco-turc, le gouvernement français a évoqué une panne du système de lecture des passeports à Marseille.

Cette affaire tombe au plus mal pour l'exécutif, qui défendait mercredi devant le Parlement l'engagement militaire français en Irak et met en avant le renforcement de la sécurité sur le sol national depuis l'entrée en guerre du pays.

Au côté de Washington, Paris mobilise depuis une semaine plusieurs avions bombardiers et de reconnaissance contre les djihadistes de l'organisation État islamique (EI). Ces derniers ont appelé en retour les musulmans à tuer des ressortissants français.

Un groupe lié à l'EI a revendiqué mercredi dans une vidéo l'exécution de l'otage français enlevé dimanche en Algérie.

«Couac impardonnable» 

L'opposition de droite et d'extrême droite a dénoncé mercredi à propos des trois djihadistes présumés un «couac impardonnable».

Ces trois individus «nous humilient, font de nous la risée du monde entier. Ce gouvernement est un gouvernement d'incapables», a lancé le député UMP (droite) Christian Estrosi. Le Front national (extrême droite) a critiqué l'«extraordinaire amateurisme du gouvernement».

«L'incroyable non-arrestation de trois djihadistes français», comme le titrait mercredi le journal Le Monde, a commencé mardi avec l'annonce par le ministère de l'Intérieur du placement en garde à vue des suspects, arrêtés fin août en Turquie, à leur arrivée à l'aéroport parisien d'Orly.

Peu après, démenti: finalement ils ne sont pas arrivés en France, le commandant de l'avion devant les transporter ayant refusé de les embarquer en raison d'une absence de documents administratifs turcs nécessaires.

Nouveau coup de théâtre: leurs avocats annoncent que les trois individus sont «dans la nature» en France et ont même été surpris de ne pas avoir été interpellés à leur arrivée.

Après le refus du pilote, les autorités turques avaient décidé de les renvoyer par un autre vol, vers Marseille. L'information turque n'est arrivée aux Français qu'après le débarquement des trois suspects, s'est justifié le ministère de l'Intérieur.

Mercredi, les trois hommes se sont rendus d'eux-mêmes dans une gendarmerie française. Ils ont aussitôt été placés en garde à vue.

Parmi eux se trouve le mari de Souad Merah, la soeur de Mohamed Merah, meurtrier en 2012 de sept personnes dans le sud-ouest de la France, dont plusieurs enfants d'une école juive, avant d'être lui-même abattu par la police.

Agé de 29 ans, il est connu des services de renseignement pour avoir «gravité dans la mouvance salafiste», selon une source proche du dossier.

Un autre djihadiste présumé interpellé, âgé de 27 ans, avait déjà été arrêté en 2007 puis condamné dans une affaire à caractère terroriste pour avoir appartenu à une filière djihadiste en Irak. Il était «très lié» à Mohamed Merah, selon la même source.

Le troisième était domicilié à Albi (sud) où une autre filière djihadiste, dans laquelle gravitaient également d'anciens proches de Merah, a été démantelée cet été.