L'ancien oligarque et opposant au Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, grâcié par Vladimir Poutine après dix années de prison, s'est dit prêt à briguer un jour, dans certaines circonstances, la présidence de la Russie, samedi lors d'une réunion à Paris.

«Je ne serais pas intéressé par l'idée de devenir président de la Fédération de Russie à un moment où le pays se développerait normalement», a-t-il expliqué à l'occasion du 70e anniversaire du quotidien français Le Monde.

«Mais s'il apparaissait nécessaire de surmonter la crise et de conduire une réforme constitutionnelle, dont l'essentiel consiste à redistribuer le pouvoir présidentiel en faveur du système judiciaire, du Parlement et de la société civile, alors je serais prêt à assumer cette partie du travail», a-t-il dit.

Un temps l'homme le plus riche de Russie, M. Khodorkovski a été libéré de prison l'année dernière et vit désormais exilé en Suisse. Il n'est pas retourné dans son pays natal depuis sa libération.

Lors de sa libération de prison en décembre 2013, M. Khodorkovski avait promis de ne pas se mêler de politique.

Samedi il a cependant lancé dans la capitale française un mouvement destiné à rassembler les forces pro-européennes en Russie, dans ce qui semble être un défi lancé au président russe.

«Une minorité aura de l'influence si elle est organisée», a déclaré M. Khodorkovski au cours d'une cérémonie, retransmise sur internet, à l'occasion du lancement de son nouveau mouvement appelé Open Russia (Russie ouverte).

L'ancien oligarque a indiqué que son nouveau projet, nommé d'après son association caritative éponyme qui avait été fermée après son arrestation, serait une «plateforme» en ligne, et non un parti politique.

Ce projet apparaît pourtant comme révélateur d'ambitions politiques.

L'ancien patron du pétrolier Ioukos, âgé de 51 ans, a ainsi affirmé que tous ceux qui supportaient une voie pro-européenne pour la Russie devaient s'unir en prévision des élections parlementaires de 2016.

«Nous sommes en faveur de ce qu'on appelle le choix européen, soit un État gouverné par le règne de la loi», a lancé l'ancien oligarque.

«Nous croyons que la thèse selon laquelle +la Russie n'est pas l'Europe+ est un mensonge. (...) Nous sommes l'Europe, que ce soit en termes géographiques ou culturels. En réalité, le mode de développement européen ne signifie pas le rejet des valeurs nationales. En Europe, chaque pays suit sa propre voie», a-t-il affirmé.

Le président russe Vladimir Poutine présente depuis plusieurs années la Russie comme un pays aux antipodes d'une modernité occidentale jugée décadente, et dont l'avenir se situe en tant que pont entre l'Europe et l'Asie.

M. Poutine jouit, depuis le début de la crise en Ukraine et le rattachement de la Crimée à la Russie en mars, d'une popularité record au sein de la population russe.

Mikhaïl Khodorkovski a passé près de dix ans en prison en Russie après son arrestation en 2003 pour «vol par escroquerie à grande échelle» et «évasion fiscale». Il a dénoncé son incarcération comme une punition pour s'être opposé au président Vladimir Poutine.

Plusieurs opposants au président Poutine ont participé à la cérémonie de lancement de openrussia.org, dont l'économiste Sergueï Gouriyev, résidant à Paris, et l'homme d'affaires Evgueni Chichvarkine, installé à Londres. «Il est temps de prendre la parole», a affirmé ce dernier.