Husna Uddin porte fièrement son macaron du Oui. Elle l'a épinglé sur sa tunique noire, assortie à ses pantalons, à ses bottes et à son hijab. Elle est 100% musulmane, mais aussi 100% pour l'indépendance de l'Écosse.

Pour elle, pas de doute: l'Écosse a tout à gagner en se séparant du Royaume-Uni. «C'est la seule façon de devenir une nation plus forte», lance la graphiste de 36 ans, Pakistanaise d'origine élevée en Grande-Bretagne. C'est la seule façon d'en avoir plus pour notre argent.»

Ailleurs dans le monde, ces propos pourraient surprendre. Mais en Écosse, pays réputé pour sa tolérance, il semble que les communautés ethniques soient loin d'être fermées au projet souverainiste.

Il n'y a aucune donnée scientifique pour le confirmer. Mais en juin, un sondage maison effectué par AWAZ-FM, la radio indo-pakistanaise de Glasgow, a révélé que les deux tiers de ses auditeurs soutenaient le Oui au référendum - hindous et musulmans compris.

Un résultat frappant, à défaut d'être entièrement fiable. Lorsqu'on sait à quel point le Parti québécois peine à séduire les immigrants, on peut se demander comment le Parti national écossais (SNP) a réussi à embarquer les minorités dans son projet séparatiste.

Facteurs multiples, répond Nasar Meer, professeur de sociologie à l'Université Strathclyde, à Glasgow.

«D'emblée, le coût d'entrée en Écosse est moins cher qu'ailleurs, explique M. Meer. L'identité écossaise ne repose ni sur la religion, ni sur la blancheur de la peau, ni sur la langue ou sur le fait d'avoir été Écossais pendant des générations. Du coup, il est beaucoup plus facile pour les minorités de s'identifier à la nation, contrairement au Québec ou à la Catalogne, par exemple.»

Le SNP a eu le talent d'exploiter ce filon, ajoute le sociologue. En optant très tôt pour un nationalisme civique plutôt qu'ethnique, le parti indépendantiste a gagné la confiance des communautés culturelles. «Le SNP ne parle jamais des Écossais, mais bien des gens d'Écosse», résume-t-il, en soulignant que le parti compte plusieurs personnes d'origine sud-asiatique dans ses rangs.

Selon M. Meer, cette plateforme inclusive est ce qui distingue le SNP de la plupart des partis nationalistes en Europe.

C'est aussi pourquoi le premier ministre écossais et leader du SNP Alex Salmond s'est tenu à distance de Pauline Marois lors de sa visite en Écosse, en 2013. «Le SNP était très mal à l'aise avec les politiques identitaires du Parti québécois. Il ne voulait pas y être associé et ainsi donner des munitions à ses opposants.»

Une hypothèse «insultante»

Certains ont affirmé que les Sud-Asiatiques adhéraient au projet d'indépendance écossaise pour des raisons historiques. Leurs parents s'étant battus pour l'indépendance de l'Inde et du Pakistan, il était logique qu'ils appuient à leur tour un projet d'indépendance.

Animateur d'une émission de tribune téléphonique à AWAZ, Shiraz Ahmed trouve cette hypothèse «insultante.» Selon lui, il n'y a pas de comparaison possible entre les conflits qui ont fait des millions de morts en Inde et au Pakistan et le projet pacifique que représente le référendum écossais.

Cela dit, il est convaincu que le SNP a profité des erreurs du Parti travailliste en matière de politique étrangère.

«Les minorités ethniques appuient traditionnellement le Labour Party, explique M. Ahmed. Mais à cause de la guerre en Irak et de l'Afghanistan, beaucoup leur ont tourné le dos. En Écosse, c'est le SNP qui a profité de cette défection.

«Mais il faut leur donner le crédit, précise l'animateur. Le SNP a montré beaucoup d'ouverture envers les immigrants. Quand il y a eu l'attentat terroriste à l'aéroport de Glasgow, la première chose qu'Alex Salmond a faite est d'aller dans une mosquée pour rassurer la communauté musulmane.»

En contrepartie

Un paradis pour les minorités, l'Écosse? Pas si vite. Comme partout ailleurs, le pays du kilt possède ses groupes d'extrême droite, comme le Scottish Defence League. En outre, souligne Nasar Meer, le pays «n'a pas encore été testé par des demandes d'accommodements comme ce fut le cas en Angleterre, ce qui expliquerait en partie sa tolérance au fait ethnique.»

Enfin, tous les immigrants ne sont pas pour l'indépendance. Mohamed Lallmahamode, propriétaire d'une épicerie halal à Édimbourg, a installé dans sa vitrine deux affiches pour le Oui. Mais dans les faits, il penche plutôt pour le Non.

«J'aimerais bien voter Oui, lance le Mauricien d'origine, en triturant sa longue barbe. Le SNP est bon pour nous. Mais pour des raisons économiques, je crois que je vais voter Non. L'indépendance sera bonne pour trois ans. Mais après, il y aura des problèmes. Les taxes vont monter. Je n'ai plus 30 ans, vous savez. Il faut que je pense à mes enfants...»