Le sommet de l'OTAN s'est ouvert sur fond de tensions avec la Russie, hier à Newport, au Royaume-Uni. Les dirigeants des 28 États membres de l'Alliance espèrent trouver une façon de faire reculer Moscou, accusée de soutenir et d'attiser la guerre dans l'est de l'Ukraine. Mission délicate s'il en est une. Explications en quatre temps.

1. Sommet d'importance majeure

«Ce sommet de l'OTAN est l'un des plus importants dans l'histoire de l'Alliance», a déclaré son secrétaire général, le Danois Anders Fogh Rasmussen, à son arrivée à Newport. Un avis que partage Charles-Philippe David, titulaire de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, qui parle du plus important sommet «depuis la fin de la guerre froide».

D'abord parce qu'il est question d'un conflit aux portes de l'Alliance. Par le passé, l'OTAN «a touché à des missions de paix, à la lutte contre le terrorisme, à des missions extraterritoriales, mais là, on parle du territoire de l'OTAN, qui fait face à une menace d'un autre siècle».

Ensuite parce que ce conflit touche la Russie, «qui est la raison même de la création de l'OTAN», poursuit M. David. «Si Churchill renaissait, il dirait: «My God! Les choses ont changé, mais pas tant que ça.»»

2. Échec de la diplomatie

Si les rapprochements de Kiev avec l'Europe et l'OTAN irritent à ce point Moscou, c'est parce que l'Ukraine «est une ancienne république soviétique. Ce n'est pas juste la zone d'influence de la Russie», analyse Charles-Philippe David, qui croit que l'intégration de l'Ukraine à l'OTAN serait «l'erreur suprême».

Il rappelle la comparaison faite par John Mearsheimer, professeur de science politique à l'Université de Chicago: «Imaginez la réaction des Américains si la Chine voulait bâtir une importante alliance militaire qui comprendrait le Canada et le Mexique.»

La crise ukrainienne n'en serait pas là sans la détérioration des relations diplomatiques entre Washington et Moscou depuis 2011, croit Charles-Philippe David. «Est-ce qu'on pourrait voir le problème d'une autre manière? Est-ce qu'on pourrait donner un statut de neutralité à l'Ukraine, comme celui de l'Autriche? Ça n'a même pas été évoqué, même pas été discuté!»

3. Un cessez-le-feu envisagé

Des représentants de l'Ukraine, des rebelles séparatistes, de la Russie et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) doivent se réunir à 14h aujourd'hui (7h ici) à Minsk, en Biélorussie, pour conclure un plan de paix.

Le président ukrainien Petro Porochenko s'est dit «prudemment optimiste» sur la conclusion d'un cessez-le-feu, hier soir, en marge du sommet de l'OTAN dont il est l'invité central. Il a toutefois indiqué qu'il s'agit «d'un défi énorme» et a rappelé les conditions posées par l'Ukraine, qui propose depuis longtemps un plan de paix: le contrôle de la frontière russo-ukrainienne par l'OSCE, le retrait de toutes les troupes russes et la libération des soldats détenus par les rebelles ou la Russie.

Ces discussions de paix interviennent alors que la Russie a déployé à sa frontière avec l'Ukraine des troupes et du matériel «bien plus puissants que tout ce que nous avons vu» depuis le début de la crise, a affirmé le Pentagone, hier, évoquant des pièces d'artillerie, des systèmes de défense antiaériens, des roquettes et plus de 10 000 soldats.

4. Aide canadienne

Le premier ministre Stephen Harper a annoncé en marge du sommet que le Canada versera 4 millions de dollars pour aider l'Ukraine et les pays baltes à faire face à la menace que représente la Russie. Ces fonds devraient servir à améliorer les ordinateurs de commande et de logistique de l'armée ukrainienne, ainsi qu'à renforcer la sécurité des installations numériques et énergétiques en Estonie, en Lettonie et en Lituanie.

Le premier ministre n'a cependant pas indiqué si le Canada participerait à une force militaire de l'OTAN. Les leaders de l'Alliance proposent d'augmenter de 4500 personnes la force de réponse rapide de 13 000 militaires pouvant être déployés en 48 heures au besoin.

-Avec l'Agence France-Presse et la Presse Canadienne

Les Alliés promettent de consacrer plus d'argent à la Défense

NEWPORT - Les Alliés se sont engagés à revenir sur la baisse de leurs budgets de Défense vendredi pour parvenir dans les dix ans à se conformer aux règles de l'OTAN en vertu desquelles il faut y consacrer au moins 2% du produit intérieur brut.

Les États-Unis, qui contribuent à hauteur de 75% au financement de l'OTAN, plaident depuis plusieurs années pour un meilleur «partage du fardeau» et la crise en Ukraine a été l'occasion d'«une prise de conscience», selon les termes du secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen.

«Les chefs d'État se sont engagés à travailler pour atteindre l'objectif des 2%», a-t-il déclaré à l'issue du sommet de Newport (Royaume-Uni).

À ce jour, seuls quatre pays, États-Unis en tête, dépassent ce seuil. Par ailleurs, l'OTAN demande à ses États membres de consacrer 20% de leurs dépenses à l'acquisition d'«équipements majeurs» et à la recherche et développement.

Ces deux seuils devront être atteints «dans la décennie» et les pays «évalueront chaque année leurs progrès», qui seront discutés aux réunions ministérielles de l'Alliance, selon les conclusions du sommet.

«Cette décision a été prise dans un environnement sécuritaire totalement nouveau, avec la Russie qui agresse l'Ukraine», a souligné M. Rasmussen. «Il est évident que nous ne pouvons plus considérer notre sécurité comme acquise, et que nous devrons investir plus dans la défense».

Alors que la Russie a augmenté ses dépenses militaires de 50% ces dernières années, les Alliés ont en moyenne abaissé les leurs de 20%, a-t-il noté. L'OTAN espère aussi que certains pays membres pourront s'appuyer sur la reprise économique pour mettre fin à la «tendance au déclin» des budgets.

- AFP