Les ministres européens des Affaires étrangères ont préparé le terrain vendredi à un renforcement des sanctions contre la Russie, face à l'escalade militaire en Ukraine, où la situation risque de devenir «hors de contrôle», selon le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier.

«Il y a un consensus qu'il faut une réponse plus ferme», a indiqué une source diplomatique européenne, à l'issue de la première journée d'une réunion ministérielle informelle à Milan.

«Il reviendra aux chefs d'État et de gouvernement de décider» lors du sommet qui les réunira samedi à Bruxelles, mais «l'idée est probablement qu'ils demandent à la Commission européenne et au service diplomatique de l'UE de préparer de nouvelles sanctions», a ajouté cette source.

Les ministres ont à la fois débattu de mesures ciblant l'économie russe, dites «de phase 3», et de l'ajout d'oligarques sur la liste des personnalités russes et ukrainiennes visées par des sanctions ciblées.

Selon l'eurodéputé conservateur allemand Elmar Brok, qui assistait aux discussions, l'UE pourrait décider de s'en prendre à «tout le secteur financier (...) pour que l'économie russe ait plus de mal à se refinancer».

«L'humeur était sombre», car les ministres «voient que les négociations n'ont pas de succès» et que le président russe, Vladimir Poutine, «s'en sert pour gagner du temps», a expliqué M. Brok, récemment reconduit à la tête de la commission des affaires étrangères du Parlement européen.

«Hors de contrôle»

À son arrivée, M. Steinmeier a d'emblée dramatisé l'enjeu pour l'UE, face à l'aggravation de la situation, qui découle de l'envoi de troupes régulières russes en Ukraine.

«Il faut savoir que la situation, qui était déjà dangereuse dans l'est de l'Ukraine, a atteint une nouvelle dimension. Les violations de la frontière que nous observons nous laissent craindre que la situation ne soit devenue hors de contrôle», a-t-il observé.

«C'est pourquoi il faut y mettre fin, si l'on veut empêcher une confrontation militaire immédiate entre les forces russes et ukrainiennes», a poursuivi le ministre allemand.

L'UE «ne peut pas ne pas réagir face à l'escalade», a pour sa part appuyé le ministre danois, Martin Lidegaard.

Mais «les sanctions seules ne suffisent pas», car M. Poutine «est prêt à sacrifier sa population», a lancé le Suédois Carl Bildt.

Alors que l'OTAN a tenu vendredi matin une réunion d'urgence sur l'Ukraine à Bruxelles, l'UE doit apporter à Kiev «tout le soutien possible, matériel et financier», y compris la fourniture de «matériel militaire», a demandé le ministre lituanien, Linas Linkevicius

Pour M. Bildt, «cette question est à poser au sommet de l'OTAN» des 4 et 5 septembre, l'UE devant pour sa part en rester à un soutien «financier, humanitaire et politique».

«Il faut reconnaître que jusqu'ici, les sanctions ont été plutôt un échec», a relevé pour sa part le ministre belge, Didier Reynders, témoignant d'un certain désarroi au sein de l'UE.

D'autant que Moscou a déjà anticipé de possibles nouvelles sanctions européennes, en brandissant à nouveau vendredi l'arme gazière et en évoquant le risque d'une coupure de l'alimentation de l'UE à l'approche de l'hiver.

«À long terme nous devons prendre des mesures pour réduire notre dépendance énergétique par rapport à la Russie», a réagi le ministre danois.

Le ministre polonais, Radoslaw Sikorski, dont le pays est durement touché par l'embargo russe sur les produits alimentaires imposé en représailles aux sanctions européennes, a prôné une autre résistance.

«Si vous voulez montrer à Poutine ce que vous pensez de sa politique, mangez une pomme polonaise», a-t-il déclaré, distribuant aux journalistes un panier de ces fruits.

Il relayait ainsi une campagne menée dans son pays, premier producteur de pommes en Europe.