Le nouveau premier ministre islamo-conservateur turc Ahmet Davutoglu a dévoilé vendredi la composition d'un premier gouvernement composé, sans surprise, du même carré des fidèles du président et homme fort du pays Recep Tayyip Erdogan.

Dès le lendemain de son investiture pour un mandat de cinq ans à la tête de l'État, M. Erdogan a approuvé la nouvelle équipe ministérielle, où l'ex-titulaire du portefeuille des Affaires européennes Mevlüt Cavusoglu succède à M. Davutoglu à la tête de la diplomatie.

L'équipe économique y est également reconduite dans son intégralité, pour la plus grande satisfaction des marchés financiers.

À 56 ans, M. Cavusoglu ne devrait pas infléchir la course de l'ambitieuse politique étrangère «néo-ottomane» conduite depuis 2009 par le nouveau chef du gouvernement, malgré ses revers en Syrie et en Égypte notamment.

Ce proche de M. Erdogan devrait y apporter une touche plus pro-européenne et pro-américaine. «Notre chemin vers l'Union européenne, qui est notre objectif stratégique, continuera avec détermination», a souligné le nouveau président turc jeudi lors de sa passation de pouvoirs avec son prédécesseur Abdullah Gül.

M. Cavusoglu a finalement été préféré à ce poste important au chef des services de renseignements (MIT) Hakan Fidan, l'homme de confiance de M. Erdogan, dont le nom revenait avec insistance dans la presse turque.

Dans son nouveau cabinet, M. Davutoglu a conservé dans leurs fonctions le vice-premier ministre responsable de l'économie, Ali Babacan, et son collègue des Finances Mehmet Simsek. Leur éventuel départ alimentait l'inquiétude des marchés.

Depuis des mois, ces deux hommes considérés comme les principaux artisans de la réussite économique du pays défendent l'indépendance de la banque centrale face aux pressions de M. Erdogan et du ministre de l'Économie Nihat Zeybekci, confirmé, qui exigent une baisse drastique des taux d'intérêt pour protéger la croissance.

Parmi les quatre seuls nouveaux nommés vendredi figurent deux intimes, encore, du chef de l'État : son conseiller Yalçin Akdogan au poste de vice-premier ministre et l'influent vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, Numan Kurtulmus, qui représente son aile islamiste.

Continuité

Seule femme de la nouvelle équipe de 26 membres, Aysenur Islam occupe le poste de ministre de la Famille et de la Politique sociale.

D'une grande continuité dans sa composition, le gouvernement de M. Davutoglu ne devrait pas changer d'un pouce la politique conduite depuis 2003 par son prédécesseur. «Les noms changent aujourd'hui, mais l'essence, la mission, l'esprit, les objectifs et les idéaux restent», a lui-même souligné mercredi M. Erdogan.

«L'axe principal (du gouvernement) n'a pas changé. Il ne s'agit que d'une modification partielle», a commenté vendredi le nouveau vice-premier ministre Kurtulmus.

Élu haut la main dès le premier tour (52 %) du scrutin présidentiel le 10 août, M. Erdogan a répété qu'il comptait continuer à piloter personnellement le pays depuis le palais de Cankaya, au prix d'une réforme de la Constitution.

Cet objectif passe par une large victoire de l'AKP aux législatives de juin prochain, afin de décrocher la majorité des deux tiers requise (367 sièges sur 550). L'AKP ne dispose aujourd'hui que de 313 députés au Parlement.

Sa volonté de présidentialiser le régime est considérée par ses adversaires comme une nouvelle preuve de ses ambitions «autocratiques».

Les députés du principal parti de l'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), ont ostensiblement quitté l'hémicycle jeudi pour ne pas assister à la prestation de serment de M. Erdogan, qui selon eux «trahit» la Constitution et l'héritage laïque de la République fondée en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk.

Le programme du nouveau gouvernement doit être présenté au Parlement dès la semaine prochaine et suivi d'un vote de confiance.

Parmi ses priorités, détaillées jeudi par M. Erdogan, figurent la poursuite du développement économique du pays et du processus de paix engagé en 2012 avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour mettre un terme à un conflit qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984.

«Les portes d'une grande et "nouvelle Turquie" sont ouvertes», résumait vendredi en «une» le journal pro-gouvernemental Sabah, reprenant le slogan électoral de M. Erdogan.