Une réhabilitation politique, vous dites? Il y a moins de 10 ans, il avait été engagé dans la controverse comme professeur à l'ÉNAP au Québec, après que l'UQAM se fut désistée. Un lointain souvenir. Hier, Alain Juppé a annoncé qu'il posera sa candidature au plus haut poste de la politique française: la présidence.

«[J]'ai décidé d'être candidat», a indiqué le maire de Bordeaux hier sur son blogue, où il a confirmé sa candidature aux primaires de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) pour désigner un candidat à l'élection présidentielle de 2017. Fort de sa réputation de «vieux sage» de la politique française, Alain Juppé, 69 ans, veut rassembler les «forces de la droite et du centre autour d'un candidat capable d'affronter le Front national d'un côté et le PS ou ce qui en tiendra lieu de l'autre». L'annonce de sa candidature n'est pas une surprise - il est le politicien le plus populaire auprès des Français selon les derniers sondages -, mais elle mettra un peu de pression sur son rival de droite, l'ex-président Nicolas Sarkozy, actuellement en réflexion.

Dauphin politique de l'ex-président Jacques Chirac, Alain Juppé était considéré comme le favori à sa succession jusqu'à ce qu'il soit condamné pour financement politique illégal en 2004. Il a écopé de 14 mois de prison avec sursis (échappant ainsi à l'incarcération) et un an d'inéligibilité. Il avait passé son année d'exil politique au Québec, où il a enseigné à l'École nationale d'administration publique.

Tollé à l'UQAM

Au départ, il devait enseigner à l'UQAM, mais un tollé au sein du corps professoral a forcé l'UQAM à abandonner le projet. Les professeurs de l'ÉNAP s'étaient prononcés pour son embauche à 22 voix contre 6, mais une trentaine de professeurs de diverses universités québécoises avaient dénoncé publiquement son embauche dans une lettre ouverte. Quelque 58% des étudiants avaient approuvé son embauche.

À l'ÉNAP, son cours sur l'État et la mondialisation semblait très apprécié des étudiants, selon leurs témoignages dans l'hebdomadaire français L'Express. «Il s'est décrispé [au Québec]», avait confié au magazine français son ami Jean-Paul L'Allier, l'ancien maire de Québec qui a fait la connaissance d'Alain Juppé alors qu'il était maire de Bordeaux. (Rappelons qu'en France, les politiciens peuvent cumuler les mandats.)

Condamnation

Alain Juppé avait été condamné pour financement politique illégal alors qu'il avait, dans les années 80 et 90, utilisé le budget de la mairie de Paris pour rémunérer 6 employés du PRP, son parti politique, dont il était à la fois secrétaire général du parti et adjoint au maire Jacques Chirac. Au départ, il avait écopé de 10 ans d'inéligibilité - ce qui aurait en pratique mis fin à sa carrière politique -, mais le tribunal d'appel a réduit cette peine à un an. L'ex-premier ministre de la France (il a occupé cette fonction de 1995 à 1997) est ainsi parti enseigner un an au Québec.

À son retour en France en 2006, Alain Juppé a été élu à nouveau maire de Bordeaux, fonction qu'il occupe encore aujourd'hui. Il a soutenu Nicolas Sarkozy lors de la campagne de 2007, puis a été ministre dans son gouvernement, notamment aux Affaires étrangères.

Alain Juppé est le deuxième candidat déclaré pour être le candidat de l'UMP aux élections présidentielles de 2017, après l'ex-premier ministre François Fillon.

Alain Juppé plaide pour que l'UMP désigne son candidat à l'élection présidentielle au terme de primaires ouvertes où les membres et les non-membres du parti pourraient voter. «Le bon sens voudrait qu'elles [les primaires] aient lieu au printemps 2016», écrit-il.

Il s'est engagé à ne pas briguer cet automne la présidence de l'UMP (il veut que le nouveau président du parti ne soit pas candidat présidentiel en 2017), qui doit décider cet automne des modalités de sélection de son candidat présidentiel en 2017.