Le procès-fleuve des écoutes de presse au Royaume-Uni s'est conclu mardi sur l'acquittement de l'ex-»reine des tabloïds» Rebekah Brooks et la condamnation de son collègue Andy Coulson, ancien conseiller de David Cameron, le premier ministre lui-même contraint de s'excuser.

Le verdict des 11 jurés était très attendu, après 130 jours d'audiences consacrées à ce retentissant scandale politico-médiatique touchant le défunt tabloïd du magnat Rupert Murdoch, le News of the World.

Fermé dans la précipitation à l'été 2011, le journal dominical a écouté les téléphones de centaines de personnes, des célébrités comme le prince William et Kate Middleton ou l'acteur Jude Law, mais aussi des anonymes propulsés à la une de l'actualité, pour décrocher des scoops.

L'ancien rédacteur en chef du tabloïd, Andy Coulson, 46 ans, qui avait dû démissionner début 2011 de son poste de directeur de la communication de David Cameron à cause du scandale, apparait comme le grand perdant de ce procès, dans lequel sept personnes au total étaient jugées.

Poursuivi pour des écoutes pratiquées entre 2000 et 2006, il a été reconnu coupable pour au moins un chef d'accusation et encourt désormais une peine de prison. La sentence sera prononcée à une date ultérieure à déterminer.

Le verdict a contraint David Cameron à un mea culpa télévisé. «Je suis sincèrement désolé de l'avoir engagé. C'était une mauvaise décision, je le confesse très clairement», a déclaré le chef du gouvernement, l'air grave.

Le choix de Coulson a été régulièrement avancé comme une preuve de manque de discernement par ses détracteurs.

«David Cameron a fait entrer un criminel dans le coeur du dispositif de Downing Street», a déclaré Ed Miliband, le chef de l'opposition travailliste.

Une représentation «soigneusement chorégraphiée»

La principale co-accusée d'Andy Coulson, autre ancienne rédactrice en chef du NotW, la flamboyante rousse Rebekah Brooks, n'a quant à elle pas pu cacher son émotion en apprenant qu'elle était blanchie de tous les chefs d'accusation.

Comme Coulson, son amant, cette femme de 46 ans à l'ascension fulgurante, est considérée comme une proche du premier ministre.

Tout au long du procès, les procureurs ont accusé Rebekah Brooks d'avoir donné une représentation «soigneusement chorégraphiée» de son innocence.

De leur côté, les avocats de Brooks ont soutenu qu'il «n'y avait pas de preuves irréfutables» pour l'incriminer.

Brooks est directrice générale de News International, la division qui chapeaute alors les journaux britanniques du groupe Murdoch, quand elle démissionne en juillet 2011.

Le groupe, désormais rebaptisé «News UK», a déclaré avoir «procédé à des changements (...) afin de s'assurer que des mauvais comportements de la sorte ne se reproduisent plus».

Rupert Murdoch n'a pas immédiatement réagi au verdict.

Les jurés examinaient toujours en milieu d'après-midi les autres chefs d'accusation pesant à l'encontre d'Andy Coulson, ainsi qu'à l'encontre de l'ancien correspondant royal du NotW Clive Goodman.

Les quatre autres accusés ont été acquittés, notamment le mari de Rebekah Brooks, Charlie, ami de David Cameron et entraîneur de chevaux de course. Il était accusé d'avoir aidé sa femme à dissimuler des preuves aux enquêteurs.

Tous plaidaient non coupables et avaient comparu libres.

Le procès, qui s'était ouvert fin octobre, a apporté son lot de révélations plus ou moins fracassantes, ou anecdotiques comme l'exaspération de la reine Elizabeth II face aux policiers se servant dans les bols de cacahuètes à Buckingham.

Un ancien journaliste du NotW a aussi affirmé que Diana lui avait transmis un annuaire privé de la famille royale pour s'en prendre à Charles.

Le scandale des écoutes a donné lieu au Royaume-Uni à un vaste déballage sur les pratiques de certains reporters et dirigeants de la presse britannique, la plus puissante en Europe, et mis en lumière ses relations parfois troubles avec le milieu politique et la police.

Devant l'ampleur des révélations, le gouvernement britannique a décidé de réformer le système de réglementation de la presse et mis en place un organe de régulation, qui doit encore entrer en vigueur.

PHOTO KIRSTY WIGGLESWORTH, ARCHIVES AP

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