Une cour criminelle d'Istanbul a ordonné jeudi la remise en liberté de 230 militaires condamnés en 2012 pour tentative de coup d'État contre le régime islamo-conservateur, après un arrêt de la Cour constitutionnelle dénonçant les conditions de leur procès.

Les magistrats d'Istanbul ont suivi les réquisitions du parquet, qui s'est prononcé en faveur d'un nouveau procès pour ces officiers et a demandé que l'exécution de leur peine soit suspendue d'ici un nouveau jugement, ont rapporté les médias turcs.

Les premiers officiers ont commencé à quitter en fin d'après-midi leurs centres de détention, à Ankara ou Istanbul, accueillis par des dizaines de leurs proches, selon les chaînes d'information en continu.

Parmi les libérés figurent le «cerveau» présumé du complot, le général Cetin Dogan, ainsi que les ex-chefs d'état-major de la marine et de l'aviation, Özden örnek et Ibrahim Firtina, qui ont toujours clamé leur innocence.

L'armée turque, qui avait formellement demandé en décembre la révision du procès de ses hommes, s'est félicitée jeudi de la décision de la justice.

«Nous partageons de tout coeur le bonheur de notre personnel et de leurs familles et espérons que leur nouveau procès pourra déboucher sur un verdict juste», a indiqué l'état-major dans un communiqué.

La plus haute instance judiciaire turque a estimé mercredi que ces soldats, dont 13 généraux ou amiraux et une soixantaine d'officiers d'active, n'avaient pas eu un procès équitable et que leurs droits avaient été violés.

Tous avaient été condamnés en septembre 2012 par un tribunal de Silivri, dans la lointaine banlieue d'Istanbul, à des peines de treize à vingt ans de prison pour avoir tenté de faire tomber le gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan en 2003.

Revirement

Leur procès retentissant avait suscité de très nombreuses critiques, qui avaient alors mis en cause l'impartialité des magistrats chargés de l'instruire et l'authenticité des preuves retenues contre les accusés.

Lors du procès, l'accusation avait produit des documents évoquant des projets d'attentats pour déstabiliser le régime qui venait d'arriver au pouvoir. La défense avait en revanche affirmé que ce plan «Balyoz» («marteau-pilon» en turc) n'était qu'un exercice théorique préparé par l'armée en 2003.

En août 2013, la justice turque avait également prononcé de lourdes peines contre plusieurs centaines d'autres officiers, protagonistes d'une autre conspiration dirigée contre l'actuel gouvernement connue sous le non de réseau Ergenekon.

Le premier ministre s'était alors félicité de ces jugements, qui concourraient à sa volonté de priver l'armée turque de son influence politique.

L'institution militaire, qui s'est longtemps considérée comme la gardienne de l'héritage laïque de la République de Turquie fondée en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk, a exercé une véritable tutelle sur la vie politique du pays et mené trois coups d'État depuis 1960.

Son intervention a également provoqué la démission du premier gouvernement islamiste au pouvoir en Turquie, en 1997.

Mais en décembre, M. Erdogan avait surpris en ouvrant la voie à une révision de ces procès contre les militaires.

Ce revirement est intervenu alors que le gouvernement était empêtré dans un vaste scandale de corruption dont il soupçonne ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen d'être à l'origine.

Certains des magistrats responsables des dossiers visant l'armée sont réputés proches de ce mouvement, à qui M. Erdogan a déclaré la guerre.