Le lynchage «barbare» d'un jeune Rom soupçonné de vol par des habitants d'un quartier populaire de la banlieue de Paris a suscité mardi l'indignation en France, le président François Hollande fustigeant un acte «innommable» tandis que des associations dénonçaient la stigmatisation subie par cette minorité.

Le président socialiste a dénoncé «des actes innommables et injustifiables», qui heurtent tous les principes sur lesquels notre République est fondée»,  en exprimant «son indignation» et en demandant que «tout soit engagé pour retrouver les acteurs de cette agression».

C'est un «acte inacceptable» dont les «responsables» doivent être «retrouvés dans les délais les plus rapides pour répondre de leurs actes devant la justice», a martelé le premier ministre Manuel Valls.

Le jeune Darius, 16 ans, qui vivait depuis peu avec sa famille et d'autres Roms dans une maison désaffectée de Pierrefitte-sur-Seine, dans la banlieue nord de Paris, a été retrouvé vendredi en fin de soirée, inconscient, dans un chariot de supermarché abandonné près de la Cité des Poètes, un quartier sensible, selon une source policière.

La procureure de Bobigny Sylvie Moisson responsable de l'enquête a déclaré mardi soir que cet «acte de barbarie» avait pour mobile «la vengeance privée». «Il n'est pas réductible à un antagonisme entre deux communautés, il n'y a pas lieu de stigmatiser ni l'une, ni l'autre», a-t-elle affirmé.

Selon les premiers éléments de l'enquête, l'adolescent aurait été enlevé, devant ses proches paniqués, par des jeunes «dont le nombre n'est pas encore connu», a précisé Mme Moisson.

Le même jour, un cambriolage avait eu lieu au sein de la cité, dont l'auteur avait été mis en fuite par un très jeune témoin. «Il en a fait une description, pouvant correspondre à un jeune aussitôt pourchassé, enlevé, séquestré, battu à mort et laissé pour mort non loin des lieux de son enlèvement», a précisé la procureure, évoquant «des représailles» fondées sur «la rumeur».

Entre l'enlèvement et la découverte du corps de Darius, plusieurs demandes de rançon avaient été effectuées auprès de sa famille, en utilisant son propre téléphone portable.

Grièvement blessé avec des lésions crâniennes, l'adolescent a été hospitalisé à Paris. «Son pronostic vital est engagé» a souligné la magistrate.

Une enquête a été ouverte pour «tentative d'homicide volontaire en bande organisée et enlèvement et séquestration en bande organisée».

Violences contre Roms en hausse en France

Selon le maire de Pierrefitte-sur-Seine, Michel Fourcade, plusieurs voitures avaient eu leurs vitres cassées et ont été cambriolées dernièrement dans la Cité des Poètes, suscitant la rancoeur des habitants envers les Roms, qu'ils accusaient d'être les auteurs de ces vols.

Le ministère roumain des Affaires étrangères a demandé dans un communiqué à la France de prendre «toutes les mesures afin d'identifier et de déférer à la justice les responsables des atrocités commises envers un mineur supposé être d'origine roumaine». «Un tel acte ne peut trouver aucune justification», a-t-il ajouté.

De nombreuses associations ont fait le lien entre l'agression de Darius et la stigmatisation dont sont victimes les Roms en France.

«C'est la terrifiante conséquence de plusieurs années de politiques publiques inefficaces et de prises de paroles d'élus, de représentants de l'État mais aussi de nombreux médias, entretenant et surfant sur un climat malsain», a ainsi réagi Romeurope.

Manuel Valls avait été au coeur d'une vive polémique pour avoir déclaré, l'an dernier alors qu'il était ministre de l'Intérieur, que «les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner» ou encore qu'ils ont «des modes de vie extrêmement différents des nôtres, qui évidemment sont en confrontation».

Pour la sénatrice écologiste Aline Archimbaud, «cette violence barbare est le résultat des campagnes de stigmatisation et de haine qui se multiplient, prenant pour cible les populations roms, faisant d'eux des boucs-émissaires».

Selon une récente enquête, 85% des Français pensent que les Roms exploitent leurs enfants et 78% qu'ils vivent essentiellement de vols et de trafics.

Pour Amnesty International, l'agression du jeune Rom s'inscrit «dans un contexte d'expulsions forcées qui jettent à la rue Roms et migrants, les condamnant ainsi à l'errance et à des conditions de vie extrêmement précaires, les exposant à davantage de violences».

Les autorités roumaines ont estimé que «de tels actes d'une violence extrême» sont «dans une certaine mesure le résultat des attitudes xénophobes et souvent racistes de plus en plus présentes» dans le discours des hommes politiques en Europe.