Encore abasourdi par le triomphe de l'extrême droite au scrutin européen, le parti de droite français UMP a implosé mardi après la révélation d'un scandale financier qui éclabousse l'ancien président Nicolas Sarkozy, sans profiter aux socialistes au pouvoir.

A l'origine prévue pour tirer les leçons du «séisme» électoral, une réunion de la direction de l'Union pour un mouvement populaire (UMP, opposition) à Paris s'est soldée, dans une atmosphère «extrêmement violente» selon des témoins, par l'éviction de son président, Jean-François Copé.

«Tu as servi tes amis, ça se retourne contre toi»!, «Barre-toi», lui a-t-on lancé. «J'ai compris, je démissionne», a fini par lâcher le patron de l'UMP.

Accusé depuis mars d'avoir favorisé une société de communication, Bygmalion, créée par deux de ses proches, M. Copé est soupçonné depuis lundi d'avoir couvert un système de fausses factures au nom de son parti alors que les dépenses, qui dépassaient le cadre autorisé, concernaient la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012.

Le montant total des sommes concernées est de 11 millions d'euros.

«C'est une page qui se tourne, je ferai désormais de la politique autrement», a reconnu sur TF1 Jean-François Copé, 50 ans, député-maire de Meaux (région parisienne), demandant aux Français de «ne pas douter» de son «intégrité», ajoutant que «des collaborateurs» avaient»abusé de (sa) confiance».

Jean-François Copé voit ainsi ses ambitions présidentielles s'envoler après s'être brûlé les ailes à la tête d'un parti dont il n'a jamais réussi à être considéré comme le chef légitime.

Il va être remplacé par une direction collégiale formée de trois ex-Premiers ministres - Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon -, chargés de gérer le parti jusqu'à un congrès extraordinaire qui se tiendra le 12 octobre à Paris.

Clan Copé contre clan Sarkozy, clan Fillon contre clan Copé: les règlements de comptes se multiplient depuis quelques jours à l'UMP qui a perdu dimanche son titre de premier parti d'opposition au profit du Front national de Marine Le Pen.

«Il faut sauver l'unité de l'UMP (...). Nous sommes aujourd'hui dans une crise et nous devons organiser la survie de notre famille politique autour des ses valeurs, de ses ambitions et de ses projets et c'est pour cela qu'il faut qu'on se rassemble», a jugé Jean-Pierre Raffarin.

Le nouveau scandale replace l'ancien président Sarkozy, déjà cité dans plusieurs affaires judiciaires, au centre des polémiques, compromettant encore davantage son éventuel retour en politique dans la perspective de la présidentielle de 2017.

Il est «très mécontent de voir son nom associé à cette curieuse actualité», a commenté mardi un de ses plus proches amis, l'ancien ministre Brice Hortefeux, alors que l'ex-président s'est muré dans le silence.

Sarkozy disqualifié?

Nicolas Sarkozy est désormais «totalement disqualifié», a jugé mardi Marine Le Pen, estimant que cette affaire remettait même en cause la régularité de la présidentielle de 2012 remportée par le socialiste François Hollande. La Commission de contrôle des comptes de campagne et des financements publics a cependant fait savoir qu'aucun recours n'était plus possible.

Au premier rang des acteurs de l'affaire Bygmalion-UMP, Jérôme Lavrilleux, directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy et jusqu'à dimanche directeur de cabinet de Jean-François Copé, a assuré lundi en larmes, lors d'une confession télévisée mélodramatique, qu'aucun de ces deux responsables n'était au courant des fausses factures.

La crise traversée par l'opposition de droite est politique, financière, judiciaire et morale, jugent plusieurs caciques du parti. Elle s'inscrit dans un contexte déjà très lourd après le triomphe dimanche du Front national aux élections européennes, qui change la donne politique en France.

Le parti socialiste au pouvoir est loin d'en tirer profit. Le président, François Hollande, qui a remanié son gouvernement en avril, reste très impopulaire, contesté y compris au sein de son parti et il est désormais aussi affaibli sur la scène européenne et internationale, sans grande marge de manoeuvre.

Lundi soir, il s'est réaffirmé dans sa fonction présidentielle en assurant qu'il ne changerait pas de cap. La «ligne de conduite» confiée au nouveau Premier ministre, Manuel Valls, «ne peut pas dévier en fonction des circonstances», a-t-il dit.

A l'issue d'un sommet européen à Bruxelles, le président français a réagi mardi à l'affaire des fausses factures Bygmalion en affirmant que, face à «une extrême droite qui peut tout se permettre, toute faiblesse devient une faute».

La démission de Jean-François Copé vient clore une séquence calamiteuse pour l'opposition de droite qui aura duré près de deux ans. Fin 2012, MM. Copé et Fillon s'étaient livré un duel fratricide pour prendre la tête du parti, dont ce dernier ne s'est jamais relevé. Depuis cette époque, l'UMP s'est montrée sans leadership clair ni projet politique alternatif affirmé à la politique de François Hollande.