Le chef de l'UKIP Nigel Farage, féru d'histoire militaire, a la métaphore guerrière pour célébrer son assaut victorieux aux Européennes et son projet de conquête du Parlement de Westminster, mais le but de guerre ultime de son «armée populaire» est de sortir le Royaume-Uni hors de l'UE.

«Vous n'en avez pas fini avec nous», a lancé triomphant au coeur de la nuit de dimanche à lundi le généralissime d'un parti considéré hier encore comme marginal, avec ses 36 000 adhérents. Les médias britanniques généralement hostiles évoquent des troupes «aux tempes grises», constituées majoritairement de quinquagénaires.

Galvanisé, le dirigeant populiste détaillait volontiers lundi sa feuille de route pour les mois à venir.

Il n'entend pas se lancer à corps perdu dans la bataille législative de mai 2015, en disputant tous les sièges en jeu à la Chambre des Communes, forteresse jusqu'ici imprenable pour sa formation.

Il s'agit de contourner les effets pervers du scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui favorise les formations nationales aux dépens des petits partis.

«Nous allons concentrer les efforts de l'UKIP sur les zones où il dispose de conseillers municipaux, et les utiliser comme tremplins pour décrocher des sièges spécifiques en mai 2015», expose-t-il.

En tacticien éprouvé à 50 ans, Nigel Farage est conscient que les Européennes qu'il a gagnées avec 27,5 % des voix (contre 16,5 % en 2009) favorisent le vote protestataire. En revanche, le score de l'UK Independence Party s'est effondré à 3 % aux législatives de 2010.

Dans les mois qui viennent, l'homme-orchestre prévoit donc d'élaborer une plateforme politique crédible, après avoir déchiré le manifeste de 2010 qualifié de «tissu de balivernes».

Il reconnaît aussi la nécessité de constituer un état-major représentatif «contre l'assaut généralisé» des partis de «l'establishment», après des années d'exercice solitaire du pouvoir.

«Je crois que l'opinion publique britannique veut voir une équipe à l'oeuvre, à l'approche des élections générales,» admet-il en annonçant la nomination prochaine «de porte-paroles compétents pour la Santé, la Défense, l'Immigration et l'Emploi».

«À l'avenir, il s'agira moins de moi, et davantage d'eux», prétend-il.

Opération «Brexit»

Jusqu'ici, les analystes ont accueilli avec circonspection la perspective d'un «Brexit», une contraction de «British» et «exit», dans un pays pourtant largement eurosceptique. Quelque 46 % des Britanniques seraient favorables à une sortie de l'Europe, selon un sondage diffusé début mai. Alors que 39 % souhaiteraient un statu quo amélioré.

Mais le triomphe de l'UKIP et de ses slogans anti-immigration et anti-UE contraint les trois formations politiques traditionnelles au branle-bas de combat, et à une certaine surenchère vis-à-vis de Bruxelles.

David Cameron, poussé par les eurosceptiques de son camp et par l'UKIP, a déjà consenti à la tenue en 2017 d'un référendum sur le maintien du pays dans une UE préalablement réformée par ses soins.

«Les gens sont profondément déçus par l'UE... Ils veulent du changement, et en ce qui me concerne, le message est complètement reçu et compris», a réaffirmé lundi le premier ministre.

Mais tout comme il exclut une alliance au Parlement de Strasbourg avec le Front national de Marine le Pen - dont il juge certains responsables «infréquentables politiquement» -, Nigel Farage récuse tout pacte avec les conservateurs qui dominent le gouvernement de coalition incluant des libéraux démocrates laminés aux Européennes.

«Une alliance? Je n'ai pas confiance en ce type-là», confiait, en cours de campagne, à l'AFP Nigel Farage en référence à David Cameron. «Mais je passerais un marché pour assurer la tenue d'un référendum».

Dans l'immédiat, Cameron retient surtout que l'UKIP «veut détruire les conservateurs, et non pas travailler en tandem avec eux».

«Je respecte Monsieur Farage», a cependant cru bon de préciser le ministre de l'Économie Georges Osborne, soucieux de ne pas ostraciser un quart de l'électorat.

De quoi satisfaire le chef de l'UKIP qui se présente en 3e homme sur l'échiquier politique, et fera tout pour participer aux débats et duels, et d'apparaître chaque fois que possible sur les photos d'actualité.

Tel est le plan du chef de l'UKIP qui visite régulièrement avec des amis les principaux champs de bataille européens des deux guerres mondiales. C'est aussi l'occasion de joyeuses libations pour celui qui soigne son image de «Monsieur tout le monde» électoralement payante. Ses amis ont baptisé l'équipée de «bottlefield tour», un jeu de mot entre bouteille et bataille.