Le général Wojciech Jaruzelski, dernier dirigeant communiste polonais, est mort dimanche à l'âge de 90 ans, le jour même des élections européennes qui confirment l'ancrage solide de la Pologne à l'ouest, tout juste un quart de siècle après la chute du communisme.

«C'est une fin symbolique d'un premier quart de siècle de la nouvelle Pologne démocratique», a commenté sur Twitter Eryk Mistewicz, spécialiste en marketing politique.

Souffrant depuis quelques années d'un cancer des glandes lymphatiques, le général est mort peu avant les cérémonies du 25e anniversaire des premières élections semi-libre remportées par le syndicat Solidarité, pour lesquelles le président américain Barack Obama et plusieurs présidents européens sont attendus le 4 juin à Varsovie.

Personnage complexe, il a divisé jusqu'à sa mort ses compatriotes quant au jugement à porter sur la loi martiale qu'il avait imposée à son pays en 1981.

Le parti social-démocrate SLD a annoncé dimanche avoir adressé une demande au président Bronislaw Komorowski de proclamer un deuil national à la suite de son décès. Mais une proche collaboratrice du président, Joanna Trzaska-Wieczorek, a laissé entendre que cette demande ne serait pas acceptée.

«Un deuil national, comme son nom l'indique, doit toucher le pays tout entier. Il faut donc éviter des initiatives qui risquent d'approfondir les divisions», a-t-elle déclaré.

 «Choix difficiles» 

«J'ai perdu quelques batailles contre lui, mais j'ai gagné la guerre pour une Pologne libre. J'ignore toutes ses motivations, je laisse donc le jugement à Dieu», a déclaré dimanche à l'AFP son plus grand adversaire, le dirigeant historique de Solidarité, Lech Walesa.

«Sa génération devait faire des choix difficiles. Certains adhéraient à la trahison communiste, d'autres tentaient de s'y opposer de l'intérieur», a dit le Prix Nobel de la Paix et ancien président polonais.

«Il connaissait probablement très bien la mentalité soviétique, leur arsenal de missiles. Il était en droit de penser, comme beaucoup dans le monde, qu'on n'avait aucune chance de s'en sortir», a-t-il ajouté.

Selon M. Walesa, le général Jaruzelski était en privé «un homme très intelligent, plein d'humour. On pouvait l'écouter pendant des heures».

Pour Henryk Wujec, un des anciens responsables de Solidarité, l'état de siège était «la pire des choses, elle signifiait sept ans de malheurs pour la Pologne».

«De nombreux gens ont souffert, de nombreux sont morts. Il en est responsable», a-t-il déclaré à l'agence de presse PAP.

Il a toutefois reconnu que le général Jaruzelski «savait changer d'avis, faire un pas en arrière, s'asseoir à une table de négociations avec Solidarité pour trouver une solution, malgré l'opposition du nombre de ses camarades» du parti.

«C'est ce changement qui lui garantira une place dans l'histoire, car les élections du 4 juin ont changé la Pologne et toute l'Europe parce qu'elles ont mené à la chute du communisme», a-t-il rappelé.

Les anciens camarades du parti communiste défendent bec et ongles la mémoire du général. Ils soulignent surtout son rôle dans les transformations démocratiques en Pologne et le passage pacifique à la démocratie en 1989.

«Un homme exceptionnel» 

«Des années vont passer et l'époque qui est la nôtre restera dans l'histoire comme celle du changement de système politique. C'est bien le général Jaruzelski qui en a été l'auteur», a déclaré à la presse Stanislaw Ciosek, ancien collaborateur du général et ex-ambassadeur de Pologne à Moscou. «On lui refuse ce rôle et pourtant, sans lui, il serait difficile d'expliquer ce changement intervenu sans effusion de sang», a-t-il ajouté.

Selon l'ancien président Aleksander Kwasniewski (1995-2005), un ex-communiste et un proche de Wojciech Jaruzelski, celui-ci fut «l'une des figures les plus importantes de l'histoire polonaise des dernières décennies».

A l'étranger, l'ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a salué la mémoire d'un homme «exceptionnel», qui a «beaucoup fait pour la Pologne».

«C'était un soldat, il avait combattu le fascisme avec nous et était resté jusqu'au bout fidèle à son choix du socialisme», a ajouté le père de la Perestroïka, qui fut à la tête de l'Union soviétique de 1985 à sa fin en 1991.

«Nous étions amis, pour avoir partagé des idées et participé à des événements importants. Nous nous sommes souvent rencontrés quand il était président, et quand je l'étais», a-t-il déclaré.

Archives AFP

Wojciech Jaruzelski en 1981.