Les Belges votent dimanche pour des législatives cruciales pour l'avenir du pays, mais à l'issue très incertaine, avec des nationalistes flamands en difficulté et un premier ministre socialiste, Elio Di Rupo, revigoré par la perspective d'être reconduit pour un second mandat.

«Le suspense est total, les choses sont très ouvertes», estime le politologue Jean Faniel, alors qu'une victoire semblait jusqu'à il y a quelques jours promise à la Nouvelle alliance flamande (N-VA), la formation indépendantiste de Bart De Wever.

Un sondage publié jeudi soir donnait 29,8% des intentions de vote à la N-VA en Flandre, confortant sa place de premier parti de Belgique (il avait remporté 28,3% en 2010), mais la plaçant pour la première fois depuis longtemps sous la barre symbolique des 30% de l'électorat néerlandophone.

Or l'ensemble des observateurs estiment que sous ce seuil, les nationalistes flamands ne remporteraient qu'une victoire «en demi-teinte». Loin en tout cas d'un triomphe leur permettant de devenir les maîtres du jeu au lendemain du scrutin.

Les partis de l'actuelle majorité, composée de socialistes, de libéraux et de démocrates-chrétiens, tant flamands que francophones, pourraient profiter de la relative faiblesse de la N-VA, qui n'a pas d'allié naturel, pour «s'engager dans la reconduction de l'actuelle coalition», estime M. Faniel, qui dirige le Crisp, un centre d'études indépendant.

Une semaine de trop

La mise sur pied d'un nouveau gouvernement, à nouveau composé de partis de droite, de gauche et du centre, ne sera pas simple, mais la perspective d'une crise s'éternisant près d'un an et demi, comme ce fut le cas après le scrutin de juin 2010, s'éloignerait.

M. Di Rupo, premier francophone à diriger le gouvernement belge depuis les années 1970, reste, malgré un recul probable du PS, bien placé pour conserver son poste. Selon une étude, 33% des Belges souhaitent qu'il reste premier ministre, soit le meilleur score parmi les «premier-ministrables».

M. De Wever, qui n'a annoncé que mercredi qu'il briguait lui aussi la place de chef du gouvernement, alors qu'il avait auparavant assuré qu'il resterait maire d'Anvers jusqu'en 2018, ne figure qu'en troisième position, à 20%.

Bart De Wever, qui exclut de gouverner avec le PS, est devancé comme possible futur premier ministre par la secrétaire d'État à l'Immigration, la libérale flamande Maggie De Block (24%), devenue la «nouvelle star» de la politique belge.

«Pour le parti qui fait la course en tête, la campagne dure toujours une semaine de trop. C'est le cas cette fois encore, peut-être même plus que jamais», a relevé Carl Devos, de l'Université de Gand, pour expliquer le passage à vide de la N-VA.

«Les meilleurs intentions»

Pour les troupes nationalistes, les contretemps se sont multipliés dans la dernière ligne droite.

Connu pour sa maîtrise des médias, qui ont fait de lui l'homme politique le plus populaire de Flandre, Bart De Waver s'est retrouvé à plusieurs reprises sur la défensive. Il a été accusé, y compris en Flandre, de vouloir s'en prendre aux classes défavorisées en prônant une sévère politique d'austérité et d'être le futur fossoyeur de la Belgique.

Tentant de reprendre la main, le maire de la deuxième ville du pays a créé la surprise mercredi en lançant un appel sur Twitter pour demander aux francophones de lui «donner une chance» et de rompre avec le Parti socialiste, responsable selon lui de «l'appauvrissement» de la Wallonie.

«Nous avons les meilleures intentions à votre égard», a lancé M. De Wever aux francophones, chez qui il suscite une grande méfiance.

Le président du PS, Paul Magnette, lui a répliqué en citant en latin -une langue qu'affectionne le dirigeant de la N-VA- une maxime de Suétone: «Le renard peut changer d'apparence, pas de moeurs». «Votre duplicité ne trompe personne, M. De Wever», a-t-il ajouté.

Les quelque huit millions d'électeurs belges votent dimanche pour renouveler leur parlement fédéral, mais aussi pour des élections régionales et pour les européennes. Les premiers résultats sont attendus en début de soirée.