Le prince Charles a suscité une nouvelle controverse en comparant Poutine à Hitler, sur la forme plutôt que le fond cependant, car - à l'instar d'Élisabeth II et selon la constitution - l'héritier au trône multirécidiviste n'est pas censé exprimer d'opinion.

Mercredi, le tabloïd Daily Mail et le correspondant royal de la BBC indiquaient que le parallèle susceptible d'engendrer des complications diplomatiques avec le président russe Vladimir Poutine avait été établi par le prince lors d'une conversation privée. À l'occasion d'une visite au musée canadien de l'immigration, à Halifax.

L'échange a été relaté par Marienne Ferguson, 78 ans, qui venait de confier au visiteur royal les circonstances dans lesquelles elle avait fui l'invasion nazie en Pologne à l'âge de 13 ans, et perdu plusieurs membres de sa famille en camp de concentration.

Le prince aurait alors confié : «et maintenant Poutine est en train de faire à peu près la même chose qu'Hitler», en référence à l'annexion de la Crimée.

«J'ai été très surprise qu'il fasse ce commentaire parce que je sais que (les membres de la famille royale : NDLR) ne sont pas censés dire ce genre de choses, mais c'était très sincère et honnête», a ajouté la septuagénaire.

La visite de quatre jours au Canada s'était jusqu'ici déroulée sans problème, la seule photo singulière montrant Charles serrant la main à un homme déguisé en carotte géante.

À Londres, le palais de Clarence House assailli d'appels téléphoniques a répondu : «Nous ne commentons pas les conversations privées».

«Il ne nous appartient pas de commenter», a déclaré en écho le Foreign Office, alors que le prince doit assister le 6 juin, tout comme le président Poutine, aux commémorations du 70e anniversaire du débarquement en Normandie.

Plusieurs médias ont fait valoir que le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble et l'ancienne chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton avaient déjà comparé l'intervention russe en Ukraine aux invasions nazies en Europe.

Mais le vice-premier ministre Nick Clegg est dans un premier temps apparu isolé, dans sa défense des propos princiers.

Non pas sur le fond. «Je ne vais pas me mettre à comparer une période de l'Histoire européenne avec une autre», a-t-il dit. Mais sur la forme : «Je n'ai jamais partagé l'avis selon lequel, sous prétexte que vous appartenez à la famille royale, vous devriez faire voeu de silence à la manière des moines trappistes.»

Le député travailliste Mike Gapes, a exprimé mercredi un avis diamétralement opposé.

«Si le prince Charles veut proférer des commentaires discutables sur des questions nationales et internationales, il devrait abdiquer et se présenter à des élections. En régime de monarchie constitutionnelle, la politique et la diplomatie sont l'affaire du Parlement et du gouvernement. La monarchie doit être vue, pas entendue», a-t-il rappelé.

Régner sans gouverner

La reine de 87 ans a toujours obéi à cette loi d'airain selon laquelle le monarque «règne mais ne gouverne pas».

Charles, 65 ans, a au contraire régulièrement défrayé la chronique, en s'exprimant librement sur des sujets qui lui tiennent à coeur tandis qu'il se préparait à un métier de roi qu'il n'a toujours pas entamé à l'âge où ses sujets prennent leur retraite.

Ses propos sont d'autant plus surveillés qu'il est de plus en plus amené à représenter sa mère, du fait de son âge avancé.

Charles n'a jamais fait mystère de son combat pour la défense de l'environnement et des animaux, les énergies renouvelables, les médecines douces, et contre la pauvreté, les OGM, l'architecture moderne.

Il a jadis comparé à «un abominable furoncle» un projet d'extension de la National Gallery, et décrié la maquette des Chelsea Barracks, dans un quartier huppé de Londres, auprès du premier ministre du Qatar par ailleurs développeur immobilier.

Et le quotidien de gauche volontiers prorépublicain The Guardian livre bataille devant les tribunaux, pour obtenir la divulgation de quantité de lettres adressées par Charles à des ministres, en 2004 et 2005.

La cour d'appel a jugé dans l'intérêt du public d'instaurer «la transparence, sur le fait de savoir comment et quand le prince Charles a cherché à influencer le gouvernement». L'affaire est à suivre.