Le gouvernement turc et les responsables de la mine accidentée de Soma ont vigoureusement nié, vendredi, les allégations de négligence entourant le pire désastre minier de l'histoire du pays, tandis que des députés de l'opposition soulevaient des questions sur un possible laxisme dans la supervision de la mine.

Le ministre de l'Énergie, Taner Yildiz, a déclaré qu'au moins 284 personnes avaient perdu la vie dans l'incendie qui s'est déclaré mardi dans la mine de charbon de Soma, dans l'ouest de la Turquie. Il a précisé que 17 ou 18 personnes étaient toujours portées disparus sous terre et que 485 mineurs avaient réussi à sortir ou à être secourus.

Les mineurs affirment que la catastrophe n'est pas un accident mais un «meurtre», à cause des conditions de sécurité qu'ils jugent déficientes dans cette mine et dans d'autres installations à travers le pays. Vendredi, la police a eu recours aux gaz lacrymogènes et aux canons à eau pour disperser des manifestants qui lançaient des pierres à Soma, où quelque 1500 personnes ont appelé à la démission du gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Le gouvernement a demandé une enquête parlementaire sur le désastre pour comprendre ce qui s'est passé et comment, mais les responsables semblaient avoir déjà tiré leurs conclusions vendredi.

«Il n'y a eu aucune négligence en lien avec cet incident», a affirmé Huseyin Celik, un haut dirigeant du parti au pouvoir. Il a indiqué que la mine de Soma avait été «inspectée vigoureusement à 11 reprises depuis 2009».

Le gestionnaire des opérations de la société minière concernée, Akin Celik, a fait écho à la position du gouvernement.

«Il n'y a eu aucune négligence en lien avec cet incident. Nous avons tous travaillé avec notre coeur et notre âme. Je n'ai rien vu de tel en 20 ans», a-t-il dit devant les journalistes.

Mais leurs déclarations en poussent certains à se demander pourquoi l'incendie a été si meurtrier si la mine a été inspectée autant de fois au cours des dernières années.

Ibrahim Ali Hasdan, un résident de Soma, s'est dit abasourdi par les allégations voulant qu'il n'y ait pas eu de négligence.

«Ces déclarations blessent le coeur des gens. (...) Même un jeune enfant ne serait pas convaincu par une telle déclaration», a-t-il affirmé.

Le procureur en chef de la ville voisine d'Akhisar a indiqué que les procureurs avaient commencé à interroger certains mineurs survivants et d'autres témoins.

Ozgur Ozel, un député de l'opposition qui représente la région de Soma, avait fait des démarches au Parlement en octobre pour demander une enquête sur la sécurité dans la mine, mais sa proposition a été défaite. Selon M. Ozel, des accidents miniers se produisent tous les trois ou quatre mois dans la région et onze mineurs ont perdu la vie au cours des trois dernières années, en plus des dizaines d'autres morts dans la tragédie de mardi.

Des inspections des mines ont bel et bien lieu, mais les propriétaires en sont avertis jusqu'à une semaine à l'avance, a dénoncé le député.

«Le principal soupçon au sujet de ces inspections, c'est qu'il y a une relation entre le gouvernement et ceux qui dirigent cette mine, et que la mine n'était pas adéquatement supervisée» en ce qui concerne les questions de santé et de sécurité, a dit M. Ozel lors d'une entrevue avec l'Associated Press.

Des cérémonies de prière en mémoire des victimes ont été organisées vendredi dans de nombreuses mosquées du pays, et le premier ministre Erdogan a assisté à l'un de ces rassemblements à Istanbul. Le désastre minier pourrait nuire à ses ambitions présidentielles au scrutin du mois d'août.

Le ministre de l'Énergie a indiqué vendredi que l'incendie dans la mine était majoritairement éteint et que les niveaux de monoxyde de carbone avaient baissé significativement, permettant ainsi aux secouristes de travailler plus rapidement pour rechercher les mineurs qui manquent toujours à l'appel.

Les commentaires du ministre Yildiz devant les journalistes, vendredi, laissent croire que les secouristes ne s'attendent plus à retrouver des survivants.

«Nous croyons qu'il n'y a pas plus de 18 (mineurs) à l'intérieur de la mine», a-t-il dit, en se basant sur des données fournies par les familles et la société minière. «Nous avons 284 corps, 18 frères à l'intérieur et 77 millions de personnes en deuil.»

PHOTO REUTERS

Yusuf Yerkel, un conseiller du premier ministre Erdogan, a donné un coup de pied à un contestataire tenu à terre par des policiers, vendredi à Soma.