Alors que la police nord-irlandaise poursuivait vendredi l'interrogatoire du leader républicain Gerry Adams pour le meurtre par l'IRA d'une mère de 10 enfants, Jean McConville, les témoignages se multipliaient sur les heures les plus noires de la province britannique.

Gerry Adams, 65 ans, président du Sinn Fein, qui fut longtemps l'aile politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), a passé sa deuxième nuit en garde à vue, après avoir déclaré s'être volontairement rendu mercredi soir dans un commissariat du comté d'Antrim, ex-fief de la guérilla, pour se «disculper».

Il a démenti toute implication dans le meurtre de Jean McConville, une protestante de 37 ans, veuve d'un catholique et mère de 10 enfants.

Elle a été enlevée en 1972, au paroxysme des «troubles», par un commando de l'IRA, dans le quartier catholique des Falls, à Belfast-Ouest.

Elle faisait partie des 16 «disparus» dont l'IRA n'a admis le meurtre, d'une balle dans la nuque, qu'en 1999. Son cadavre enfoui sous une plage a été retrouvé quatre ans après.

Une enquête policière a démenti qu'elle était «une indic». Son seul tort aurait été d'avoir porté secours à un soldat britannique blessé dans un attentat de l'IRA.

Si l'un de ses fils, âgé de 11 ans à l'époque des faits, a confié jeudi dans un témoignage poignant vouloir continuer de taire l'identité des meurtriers de sa mère par peur des menaces de mort proférées contre lui et sa famille, sa soeur aînée s'est quant à elle dite prête à divulguer le nom des coupables à la police.

«Si nous parlons, nous serons abattus»

«Si une coopération totale sur l'enquête dans le meurtre de ma mère signifie nommer ceux qui ont fait irruption dans notre appartement, qui ont traîné ma mère loin de nous, les armes à la main et ont été directement impliqués dans sa disparition et son meurtre, alors oui, je suis prête à donner les noms», a affirmé au Guardian Helen McKendry.

Celle qui avait 15 ans à l'époque des faits a ajouté jeudi soir sur la BBC «ne plus avoir peur de l'IRA».

«Que vont-ils me faire? Ils m'ont déjà fait tant de mal pendant ces 42 années. Alors que vont-ils faire? Venir et me loger une balle dans la tête? Et bien, ils savent où j'habite», a-t-elle déclaré.

«J'ai toujours pensé que Gerry Adams était impliqué dans le meurtre de ma mère. Je le croirai jusqu'à ma mort», a-t-elle également affirmé.

Son frère Michael McConville avait fait part plus tôt de ses craintes : «tout le monde pense que l'IRA officiellement démantelée a disparu, mais c'est faux. Si nous parlons, nous serons abattus», a-t-il martelé.

Cette arrestation a suscité beaucoup de réserve de la part des responsables politiques à Londres, Belfast et Dublin, soucieux de ne pas compliquer la normalisation de l'accord de paix scellé en 1998 et qui est encore freinée par des radicaux en Ulster.

Seul Martin McGuinness, ancien commandant de l'IRA aujourd'hui vice-premier ministre d'Ulster, a vu «un agenda politique» dans cette arrestation, à trois semaines d'élections locales.

Cette garde à vue a également fait remonter à la surface les plaies toujours ouvertes des habitants de la province victimes des «troubles», euphémisme pour décrire les affrontements intercommunautaires qui ont fait 3000 morts en 30 ans.

Kieran Megraw, dont le frère a disparu en 1978, a lancé un appel pour obtenir des informations afin de retrouver son corps.

«Il y a encore sept "disparus" qui n'ont jamais été retrouvés. Ça ne vous quitte jamais», a-t-il confié à la BBC.

Pour lui, la priorité de sa famille est de retrouver le corps afin de l'enterrer décemment et non pas de traduire en justice les meurtriers dont il a dit ignorer l'identité.

PHOTO CATHAL MCNAUGHTON, ARCHIVES REUTERS

Gerry Adams, 65 ans, président du Sinn Fein, qui fut longtemps l'aile politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), a déclaré s'être volontairement rendu mercredi soir dans un commissariat du comté d'Antrim, ex-fief de la guérilla, pour se «disculper».