À moins de cinq mois du référendum, les indépendantistes écossais semblent gagner du terrain dans les intentions de vote. Peine perdue: leur «produit» n'est «pas fiable», soutient le secrétaire d'État pour l'Écosse, Alistair Carmichael. Cinq questions à ce représentant du Royaume-Uni, qui était de passage hier à Montréal.

Q: Le référendum pour l'indépendance de l'Écosse aura lieu dans moins de cinq mois. Comment se porte la campagne pour le Non?



R: Je crois qu'elle est là où elle doit être en ce moment. Dans une campagne, il y a toujours des choses qu'on voudrait faire mieux ou différemment. Mais les arguments les plus forts sont clairement du côté de ceux qui veulent demeurer dans le Royaume-Uni. Regardez ce qui se passe depuis le début de l'année. On voit que la possibilité d'une union monétaire entre les deux pays est exclue. On voit l'intervention de plusieurs voix de l'Union européenne affirmant que si l'Écosse quitte le Royaume-Uni, elle quittera aussi l'Union européenne. Il y a aussi la communauté des affaires, en Écosse, qui est en train de trouver sa voix et qui pose des questions qui n'aident pas les nationalistes.

Q: Pourtant, de récents sondages montrent que les intentions de vote pour le Oui augmentent. Y a-t-il quelque chose qui cloche avec la campagne du Non?



R: Que faisons-nous de mal ou qu'est-ce que le camp du Oui fait de bien? Je crois que la différence est qu'ils ont des ressources exceptionnelles et qu'ils sont très efficaces dans la bataille sur le terrain. Ils abreuvent les médias et les chaumières de messages très émotifs. L'argent qu'ils ont pour la publicité est phénoménal. Cela a un impact. Mais ultimement, tout le monde sait que le meilleur marketing du monde ne vous aidera pas si votre produit n'est pas fiable.



Q: Que voulez-vous dire par «pas fiable»?



R: La configuration actuelle offre le meilleur des deux mondes. Nous avons déjà notre propre Parlement en Écosse. Nous avons le contrôle sur notre propre système d'éducation, de santé, de services de transport. En même temps, nous faisons toujours partie du Royaume-Uni, qui donne la protection nécessaire si les temps deviennent plus difficiles. Et nous avons une des monnaies les plus stables et respectées du monde... Je crois qu'ils [les nationalistes] offrent un produit inférieur. Leur proposition amène une énorme quantité de risques et d'incertitude pour des raisons que je ne comprends pas... La seule chose que le Parlement écossais n'a pas, c'est le contrôle de son budget. On peut s'améliorer sur ce plan. C'est la prochaine étape.

Q: Certains accusent le camp du Non de mener une campagne de peur. Que répondez-vous à cela?



R: Le défi pour la campagne du Non a été le cynisme de la campagne du Oui. Depuis le début, le camp du Oui présente sous forme de certitude des choses qui relèvent de l'aspiration ou qui seront sujettes à négociations. Si les nationalistes disent qu'il y aura une union monétaire entre les deux pays et que nous garderons la livre, nous devons remettre cela en question. Si on ne le fait pas et que les Écossais votent pour l'indépendance en septembre, en se basant sur ces fausses affirmations, ils vont se tourner vers moi le lendemain et me demander pourquoi on ne les a pas prévenus. Je suis prêt à être critiqué pour mon négativisme si c'est pour dire la vérité aux Écossais.

Q: Vous êtes ministre responsable de l'Écosse pour le gouvernement britannique, à quelques mois d'un référendum sur l'indépendance de l'Écosse. Avez-vous le job le plus inconfortable du Royaume-Uni?



R: Il y a beaucoup de pression, c'est certain. Je suis aux premières lignes et, croyez-moi, si tout va mal, ce sera ma faute. Mais si nous gagnons, il y aura une file de gens qui voudront réclamer une part de ce succès. J'en suis conscient. J'ai signé pour ça. Est-ce que c'est facile? Qui a un job facile ces jours-ci? Quoi qu'il advienne, je gérerai les conséquences. Mais je saurai que j'ai fait tout ce qui était possible pour influencer l'issue du vote.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le secrétaire d'État britannique pour l'Écosse, Alistair Carmichael.