Un Britannique qui avait prévu de faire exploser un avion de ligne a raconté mardi à New York au procès d'Abou Hamza qu'il était tellement déterminé à mourir pour Al-Qaïda, qu'il avait choisi comme adresse courriel «sacrifice72@yahoo.com».

Saajid Badat, 35 ans, témoin à charge, a expliqué aux jurés qu'il avait utilisé ce courriel alors qu'il recherchait des cibles juives en Afrique du sud. Le mot sacrifice témoignait de sa détermination à mourir pour le jihad, et 72 était une référence au nombre de vierges promises par Al-Qaïda à un «martyr» arrivant au paradis.

Deux semaines après le début du procès du prêcheur radical britannique Abou Hamza, M. Badat, qui s'exprimait depuis le Royaume-Uni par circuit vidéo, a raconté s'être rendu depuis l'Afghanistan au Pakistan à la mi-2001, pour y faire des recherches en ligne sur des cibles juives, dont un musée de l'holocauste, des synagogues et le secteur du diamant.

Il avait ensuite passé deux jours à préparer un rapport «détaillé» sur ces cibles, pour les patrons d'Al-Qaïda, a-t-il indiqué.

À l'époque, il était prêt, a-t-il reconnu, à voir des femmes et des enfants mourir dans ces attentats.

Mais Al-Qaïda lui avait demandé à la place de faire exploser en vol un avion de ligne américain fin 2001, ce dont il s'était senti «honoré» et «fier».

Il était revenu du Pakistan en Angleterre, via les Pays-Bas et la Turquie avec une chaussure piégée accrochée au pied. Le but était de la faire exploser ensuite en vol, dans un avion à destination des États-Unis.

Mais après notamment une discussion avec ses parents, il avait renoncé à sa mission en décembre 2001.

Plongée dans le monde d'Al-Qaïda

Il avait été arrêté en novembre 2003, avait plaidé coupable et passé six ans et demi en prison. Il s'était engagé en 2009 à collaborer avec les autorités britanniques et était sorti de prison en 2010.

L'avocat d'Abou Hamza, Jeremy Schneider, a souligné que Badat avait reçu l'équivalent de 125.000 dollars du gouvernement britannique, depuis qu'il avait accepté de témoigner contre ses anciens complices d'Al-Qaïda.

Badat a reconnu qu'il n'avait jamais rencontré ou parlé avec Abou Hamza, 56 ans, l'ancien imam, borgne et amputé des deux avant-bras, de la mosquée de Finsbury Park à Londres.

Mais il a offert aux jurés une rare plongée dans le monde d'Al-Qaïda, racontant son voyage à Karachi en 2001, et ses rencontres, telle celle avec Feroz Abbasi, un Britannique détenu pendant des années à Guantanamo, croisé dans un camp d'entraînement en Afghanistan.

Selon lui, Abbasi était «l'un des moins enthousiastes» lors d'une réunion entre recrues anglophones et dirigeants d'Al-Qaïda, qui leur avaient proposé des attentats contre des juifs et des Américains.

Badat avait renoncé à faire exploser un avion, mais gardé la chaussure piégée pendant deux ans, jusqu'à son arrestation. Et il était resté fidèle à l'idéologie d'Al-Qaïda.

Il a également reconnu mardi être resté en contact avec celui qui avait payé son voyage en Afghanistan à la fin des années 90, au cas où il déciderait d'aller combattre en Irak.

Il avait aussi imprimé une revendication pour un attentat contre une synagogue à Istanbul en novembre 2003. Des attentats, revendiqués par Al-Qaïda, y avaient à l'époque visé deux synagogues, le consulat britannique et une banque britannique, faisant 63 morts.

Badat est toujours inculpé aux États-Unis, pour le complot visant à faire exploser un avion de ligne, d'où son refus de venir témoigner en personne.

Hamza, de son vrai nom Mustapha Kamel Mustapha, extradé par Londres il y a 18 mois, est accusé de complot et prise d'otages, pour l'enlèvement de 16 touristes au Yémen en 1998, dont deux Américains. Il est inculpé de soutien terroriste, accusé d'avoir voulu créer un camp d'entraînement au jihad dans l'Oregon (nord-ouest des États-Unis) fin 1999, deux ans avant les attentats du 11-Septembre.

Abou Hamza est également accusé d'avoir envoyé des candidats au jihad s'entraîner en Afghanistan.

Il a plaidé non coupable et risque la prison à vie.

Son procès doit durer environ un mois.