Malgré les résistances en Hongrie et en dehors, le gouvernement conservateur de Viktor Orban, donné gagnant aux élections législatives de dimanche, a profondément remanié le pays depuis 2010 et, jugent ses détracteurs, affaiblit les valeurs démocratiques. Le tout légalement grâce à sa majorité des deux tiers au parlement. Voici les temps forts de ces quatre ans:

REFORME DES MÉDIAS

Après sa victoire aux élections d'avril 2010, le gouvernement conservateur travaille très rapidement à une réforme des médias, qui marque le coup d'envoi d'un vaste chamboulement législatif. Mis sous la tutelle d'un conseil des médias composé de proches du pouvoir, le secteur doit se soumettre à de nouvelles règles plus restrictives. Jugée liberticide par de nombreux journalistes et associations dans le pays, la loi entrée en vigueur le 1er janvier 2011 occasionne un conflit avec l'Union européenne, dont la Hongrie prend alors la présidence pour six mois.

Après quelques mois, Budapest accepte de faire des concessions, mais insuffisantes pour lever les menaces sur la liberté de la presse, estime l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

CONFLITS À RÉPÉTITION AVEC L'UE

La hache de guerre est à peine enterrée avec Bruxelles que d'autres conflits émergent au cours de 2011, au fil des nouvelles lois adoptées à un rythme accéléré: 859 au total contre un peu plus de 580 lors de la précédente législature, selon les statistiques du Parlement. L'UE demande à Viktor Orban de revoir sa copie dans les domaines de la protection des données, de la justice et de la banque centrale (MNB). Les attaques contre l'indépendance de cette dernière conduisent fin 2011 à une suspension des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et l'UE sur une aide financière à la Hongrie, à l'époque en difficulté financière. Une aide dont elle n'aura finalement pas besoin.

Aujourd'hui, tous les membres de la direction de la MNB sont des proches du parti conservateur au pouvoir, le Fidesz.

NOUVELLE CONSTITUTION ET COLÈRE DE LA RUE

Les crispations atteignent un sommet avec la nouvelle Constitution mise en oeuvre début 2012.

Elle intègre des valeurs défendues par Viktor Orban, christianisme et famille traditionnelle (il est père de 5 enfants). L'appellation «République de Hongrie» disparaît au profit de «Hongrie». Le texte, qui a déjà fait l'objet de 5 amendements, cimente le pouvoir du Fidesz dans toutes les institutions du pouvoir et des contre-pouvoirs.

Les manifestations de la société civile, pilotées par l'association «Un million pour la liberté de la presse», prennent alors de l'ampleur. Le 3 janvier, des dizaines de milliers de Hongrois descendent dans les rues et dénoncent la «Dictature Orban». La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton dit s'inquiéter de «la situation de la démocratie en Hongrie». L'UE redouble de pression pour obtenir des concessions de Budapest, dans le domaine de la justice en particulier.

Progressivement, la Hongrie sort néanmoins du viseur d'une UE accaparée par une sévère crise de la dette en zone euro. D'autant plus que le pays rétablit ses finances publiques et parvient à sortir en 2013 de la procédure de déficit excessif. Les manifestations de protestation s'estompent. L'opposition politique de gauche peine à s'unir et à se faire entendre.

ANTISÉMITISME

Même si Viktor Orban dit prôner la «tolérance zéro» envers l'antisémitisme, les incidents ou les remarques antisémites au parlement se sont multipliés ces quatre dernières années. La réhabilitation du régent Miklos Horthy, allié d'Adolf Hitler, et d'auteurs antisémites avait conduit le Prix Nobel de la Paix et survivant de l'Holocauste Elie Wiesel à renvoyer en juin 2012 une décoration d'État au gouvernement. Une nouvelle polémique est intervenue récemment à propos d'un monument controversé devant célébrer les 70 ans de l'occupation allemande et de la Shoah en Hongrie, la communauté juive accusant le gouvernement de vouloir blanchir la Hongrie de sa responsabilité dans l'Holocauste.