Après une brève passation de pouvoir avec Jean-Marc Ayrault, le nouveau Premier ministre français Manuel Valls a poursuivi mardi d'intenses négociations pour composer son futur gouvernement, qui sera dévoilé mercredi et ne comptera pas les écologistes, qui refusent d'y participer.

Selon une source dans l'entourage du chef de l'Etat, le nom des ministres qui composeront le nouvel exécutif promis par le président comme «resserré» et «de combat» seront dévoilés mercredi. Le premier Conseil des ministres aura lieu vendredi.

Alors que durant la journée de mardi les discussions avec les dirigeants d'EELV laissaient penser qu'ils accepteraient d'en être, la direction du parti a finalement tranché: ce sera non. Un refus qui, après 18 mois de participation écologiste au gouvernement, change singulièrement le visage de la majorité, même si le parti assure qu'il en demeurera un «partenaire vigilant».

Manuel Valls n'avait pourtant pas ménagé sa peine pour tenter de retenir les écologistes: recevant une délégation du parti, il s'est engagé sur le processus entamé sur «la transition énergétique», des actions en faveur de la «justice sociale», et de la «décentralisation», trois thèmes qui leur sont chers. Il leur a assuré en outre qu'un grand ministère de l'Ecologie pouvait leur échoir s'ils le désiraient.

Pas assez, ont jugé les dirigeants d'EELV.

Arrivé vers 15H00 à l'Hôtel Matignon, Manuel Valls a affirmé lors d'une brève allocution sur le perron être venu avec une «feuille de route» présidentielle «pour aller encore plus loin, plus vite», soulignant avoir conscience de la demande de «justice sociale» des Français après la débâcle électorale.

Il a rendu hommage au Premier ministre démissionnaire, debout à ses côtés, l'assurant qu'il poursuivrait le «travail engagé au service du redressement». Jean-Marc Ayrault, qui a décrit une «tâche éprouvante, exigeante, mais en même temps exaltante», a été longuement et chaleureusement applaudi par le personnel de Matignon.

Nombreux points en suspens

Juste après la passation de pouvoir, le nouveau Premier ministre - qui a désigné Véronique Bédague-Hamilius comme directrice de cabinet, première femme à ce poste - a poursuivi ses tractations.

Il a ainsi reçu tour à tour le président PS de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, ainsi que les ministres Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, sans que rien ne filtre de ces entrevues. Il a reçu en début de soirée Harlem Désir, premier secrétaire du PS, avant d'aller dîner avec François Hollande.

Consultant par téléphone, depuis lundi soir, Manuel Valls avait reçu mardi matin Place Beauvau le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui souhaite conserver son poste.

Il restait toutefois à trancher de nombreux points, notamment le remplacement de M. Valls à l'Intérieur. Pour ce poste circulent les noms de François Rebsamen, ami de François Hollande, et de Jean-Jacques Urvoas, proche de M. Valls, qui préside la commission des Lois à l'Assemblée nationale. On affirmait, de source socialiste, qu'un troisième homme avait été choisi, sans indication sur son identité.

La stabilité devrait prévaloir au Quai d'Orsay avec le maintien de Laurent Fabius. Quel sera le nouveau visage de Bercy? Pierre Moscovici a annulé mardi sa participation à une réunion importante de ses homologues de la zone euro, à Athènes, préférant attendre à Paris d'être fixé sur son sort. L'Économie et le Budget pourraient être clairement séparés.

Arnaud Montebourg (redressement productif) devrait voir son portefeuille élargi.

De son côté, Vincent Peillon (Éducation), est donné partant à coup sûr, il est candidat aux élections européennes dans le grand Sud-Est. Quant à Christiane Taubira (Justice), son départ de la Place Vendôme fait peu de doute même si elle pourrait obtenir un autre portefeuille, comme la Culture par exemple.

Le retour au gouvernement de Ségolène Royal continue d'alimenter les spéculations. L'ex-compagne du chef de l'État, mère de ses quatre enfants, n'a plus siégé au gouvernement depuis 2002. Selon des proches, elle pourrait hériter de la Justice ou d'un grand ministère regroupant Écologie, Transports et Logement, après avoir été pressentie pour l'Éducation. Mais cette dernière attribution est également convoitée par Aurélie Filippetti (Culture). Najat Vallaud-Belkacem, intéressée par la Culture, devrait probablement abandonner le porte-parolat.

Actuel ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire, Benoît Hamon va se voir attribuer un grand ministère pour donner des gages à la gauche du PS, particulièrement critique sur la nomination de Manuel Valls. Son nom est évoqué aussi pour l'Education.

Le président du PRG Jean-Michel Baylet, qui ne souhaite pas, selon son parti, être dans un gouvernement «socialo-socialiste», ne devrait donc pas y participer.

Des parlementaires de différentes sensibilités du PS ont programmé des réunions depuis lundi pour discuter de ce que sera leur attitude à l'égard de Manuel Valls. Traumatisés par la débâcle des municipales, une large part des députés PS se refusent à le suivre aveuglément.

Selon l'un d'eux, Olivier Faure, proche de Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls «part avec un handicap», l'«absence de confiance» d'une partie de la gauche et des écologistes, qu'il doit «compenser» par des «actes forts». Reste à connaître l'identité des éventuels nouveaux entrants socialistes. Sont cités les députés Thierry Mandon, Karine Berger ou encore le sénateur de l'Isère André Vallini et parmi les ténors, Bertrand Delanoë, qui avait déjà été annoncé à la Justice en 2012.

Le nouvel exécutif aura fort à faire pour regagner la confiance des Français: selon un sondage Harris interactive, une majorité de Français (75%) n'a pas été convaincues par l'intervention du président de la République lundi soir. En revanche ils sont 46% à penser que la nomination de Manuel Valls «traduit une bonne prise en compte par François Hollande du résultat des élections municipales».