Le pape François a rencontré jeudi au Vatican le président américain Barack Obama pour la première fois depuis son élection il y a un an, une entrevue historique centrée sur leur credo commun, la lutte contre les inégalités.

L'entretien d'une cinquantaine de minutes a eu lieu dans la bibliothèque du Palais apostolique. «C'est merveilleux de vous rencontrer», a dit le président américain au pape dont il s'est dit un «grand admirateur».

La rencontre chaleureuse, en présence de traducteurs, a duré plus longtemps que les entretiens habituels avec d'autres chefs d'État et de gouvernement.

Le pape semblait grave, mais très cordial. Les deux hommes se sont quittés sur une longue poignée de main, M. Obama partant comme à regret. Le pape a aussi salué la délégation américaine, dont le secrétaire d'État John Kerry, qui est catholique.

L'audience a été suivie par le traditionnel entretien avec le secrétaire d'État, chef de la diplomatie vaticane, Mgr Pietro Parolin.

Le pape a offert au président deux médaillons en bronze, dont l'un reproduit un ange symbolisant la paix et la solidarité, ainsi que son exhortation apostolique publiée à l'automne. M. Obama s'est réjoui de recevoir ce texte où le pape parle de justice sociale : «Je la lirai certainement dans le Bureau ovale quand je serai profondément frustré et je suis sûr qu'elle me donnera de la force et me calmera».

De son côté, le président a offert au pape une boîte contenant des semences de fruits et légumes plantés dans les jardins de la Maison-Blanche et destinés symboliquement aux jardins de la résidence d'été du Vatican à Castel Gandolfo. «Si vous avez l'opportunité de venir à la Maison-Blanche, vous verrez les jardins», a-t-il dit au pape, qui a simplement répondu en espagnol, «pourquoi pas», sans s'engager.

Les États-Unis aimeraient que François vienne en visite à Washington en septembre 2015, alors qu'une rencontre mondiale des familles est prévue à Philadelphie.

Pour M. Obama, son escale à Rome est une parenthèse bienvenue au milieu d'une tournée délicate en Europe et en Arabie saoudite dominée par la crise ukrainienne et les négociations nucléaires sur l'Iran.

Après l'entrevue avec le pape, M. Obama s'est rendu au Quirinal pour rencontrer et déjeuner avec le président Giorgio Napolitano. Il devait voir ensuite le chef du gouvernement Matteo Renzi avant de visiter le Colisée.

Le «combat contre la montée des inégalités» devait être au centre de la rencontre entre M. Obama et le pape, sur laquelle un communiqué du Saint-Siège était attendu.

Les crises au Moyen-Orient, en Afrique - en particulier en Centrafrique -, l'environnement, l'immigration également entre Amérique latine et Amérique du Nord, devaient être aussi abordées.

Pour Jeremy Shapiro, de l'institut Brookings de Washington, M. Obama cherche à «profiter de l'aura du nouveau pape» et «ce n'est pas vraiment une étape consacrée à la politique étrangère». Même si, de son côté, le Vatican est de retour sur la scène diplomatique, particulièrement sur la Syrie où le pape s'est opposé à toute intervention armée.

Les propos radicaux de François sur «le culte de l'argent et la dictature d'une économie inhumaine» contenus dans «l'exhortation» remise à M. Obama l'ont fait dépeindre par certains ultra-conservateurs américains comme marxiste.

Mais M. Obama, de confession protestante, a dit à plusieurs reprises combien il était «impressionné» par ce pape qui «incarne les enseignements du Christ».

Pourtant tout n'est pas au beau fixe entre le gouvernement américain et le Saint-Siège. On est loin de l'alliance forgée entre Jean Paul II et Ronald Reagan.

«La politique d'Obama plaît-elle au Saint-Siège?», Radio Vatican semble en douter sur son site, en soulignant que «des pierres d'achoppement entre l'Église et l'administration Obama subsistent, sur le mariage homosexuel et la contraception».

Selon Mgr Anthony Figueiredo, directeur au collège pontifical nord-américain à Rome, ces questions de bioéthique ont sans doute été abordées par le pape avec M. Obama : «Ce qui se passe aux États-Unis, un peu comme le Coca-Cola, ça se propage aussi en Europe et dans le monde entier», a-t-il fait valoir.

La réforme de l'assurance-maladie promulguée en 2010 a provoqué des frictions avec les institutions catholiques américaines. La loi prévoit la prise en charge de la contraception par les employeurs, ce que plusieurs écoles ou hôpitaux ont contesté en justice.

Selon un sondage publié par l'Université Saint-Leo, François est aimé de 85 % des catholiques et de 63 % des Américains alors que seulement 47 % des Américains approuvent l'action de leur président.

C'est la deuxième fois que Barack Obama se rend au Vatican, après l'audience que lui avait accordée Benoît XVI en juillet 2009; et la 28e venue d'un président américain au Vatican depuis Woodrow Wilson en 1919.

Réforme santé: un «dialogue» avec les catholiques

Obama a dit avoir promis aux autorités du Vatican un «dialogue» avec les catholiques de son pays sur l'application de sa réforme de l'assurance-maladie, controversée en raison de certaines dispositions sur la contraception.

Lors d'une conférence de presse à Rome quelques heures après une audience avec le pape François, M. Obama a aussi assuré que l'application de la loi prenait déjà en compte les objections des entités religieuses sur la couverture de procédures médicales contraires à leur foi.