Personne n'avait prévu la victoire du candidat du Front national, Steeve Briois, au premier tour dans Hénin-Beaumont. Une victoire à l'arraché: 50,26%.

Dimanche soir, la surprise était totale. Steeve Briois avait remporté une ville ouvrière au long passé socialiste. Il multipliait les entrevues. Il triomphait. Et pour cause.

Jamais le Front national (FN) n'avait réussi à élire un maire au premier tour*. Et jamais le parti d'extrême droite n'avait arraché une ville industrielle du Nord, fief de la gauche. Les villes ravies par le FN ont toujours été dans le sud. Une double victoire pour Steeve Briois, qui ratisse la ville porte par porte depuis 20 ans.

Est-ce un nouveau départ pour le FN, qui a réalisé une performance étonnante au premier tour des élections municipales, dimanche?

«Les sondages n'avaient pas prévu une telle percée, explique le chercheur Sylvain Crépon, auteur du livre Enquête au coeur du nouveau Front national. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette ascension. Premièrement, la stratégie du Front. Jean-Marie Le Pen [fondateur du FN en 1973] n'a jamais voulu d'élus locaux. Dès qu'une tête dépassait, il la coupait. Il ne visait que les élections présidentielles. Sa fille, Marine, qui lui a succédé en 2011, a compris l'importance d'avoir un réseau local. Elle a pris les élections municipales très au sérieux. Elle a misé sur Steeve Briois, qui a mis en place une structure militante extrêmement efficace, calquée sur celle des communistes dans les années 60. Et elle l'a nommé secrétaire général du parti.»

«Deuxièmement, poursuit M. Crépon, la situation nationale a favorisé la montée du Front: à droite, les scandales avec l'histoire des écoutes de Nicolas Sarkozy; à gauche, l'impopularité du président François Hollande. Troisièmement, le Front national a réussi à mobiliser ses électeurs. Il y a eu peu d'abstentions dans les villes où le Front a percé. Un tour de force, car, en général, ceux qui ne votent pas ont le profil des sympathisants du FN. Ils sont peu éduqués et peu politisés.»

Le FN a obtenu de bons scores dans des villes éprouvées par la crise économique ou secouées par des problèmes aigus de gestion, comme Hénin-Beaumont, Fréjus et Perpignan, précise M. Crépon.

Sous Marine Le Pen, le Front national a passé son discours au papier sablé. Les aspects les plus controversés de leur programme - anti-immigrants, anti-euro, anti-Union européenne, sans oublier leur obsession de la sécurité - ont été assouplis. Ces thèmes ont été mis sous le boisseau par les candidats municipaux, qui ont préféré parler des enjeux locaux, observe Sylvain Crépon: les garderies, la voirie, les résidences pour personnes âgées, l'économie.

La «dédiabolisation» du Front national semble avoir porté ses fruits. Marine Le Pen a rajeuni l'image du parti en arrondissant les angles du discours d'extrême droite pour ne pas effaroucher les électeurs.

Mais le FN devra faire ses preuves. Dans les années 90, il a raflé quelques villes. «Leur gestion a été catastrophique, rappelle M. Crépon. Ils ont eu l'air d'une bande d'amateurs.»

Le parti de Marine Le Pen a fait le plein des votes dimanche. Entre les tours (le deuxième aura lieu dimanche), le FN ne conclut jamais d'alliance avec les autres partis, contrairement à l'UMP et aux socialistes qui, eux, appelleront à l'union des forces de la droite ou de la gauche pour augmenter leur score.

Le Front national peut l'emporter dans des villes comme Fréjus, Brignoles ou Saint-Gilles au deuxième tour, mais, prévient M. Crépon, il n'y aura pas de «raz-de-marée».

* Un candidat doit obtenir 50% des voix pour être élu au premier tour. Si c'est le cas, il n'y a pas de deuxième tour.

Et la mairie de Paris?

Grosse semaine en vue à Paris. Les deux candidates, Nathalie Kosciusko-Morizet, à droite, et Anne Hidalgo, à gauche, vont se démener pour conclure des alliances. Le but: rameuter leur camp pour récolter le maximum de votes au deuxième tour, dimanche.

Anne Hidalgo, qui a été devancée d'un point par sa rivale au premier tour (34% contre 35%), peut compter sur l'appui des Verts, qui ont raflé 9% des voix, une étonnante performance qu'ils doivent, entre autres, à l'alerte à la pollution qui a secoué la ville la semaine dernière. La candidate socialiste et les Verts ont passé la nuit de dimanche à lundi à négocier un accord qui s'est conclu hier en fin de journée. Ensemble, ils seront difficiles à battre au deuxième tour. Nathalie Kosciusco-Morizet (NKM) devra rallier la droite au grand complet si elle veut avoir une chance de conquérir la mairie. Le quotidien Le Monde estime qu'elle ne dispose pas «d'une réserve de voix suffisante pour faire basculer la situation».

Il ne reste qu'une certitude, le prochain maire de Paris sera une femme. De droite ou de gauche.

Progression du taux d'abstention

1983 > 21,6%

2001 > 32,6%

2008 > 33,5%

2014 > 38,6%