Le premier tour des municipales en France pourrait être marqué dimanche par une abstention record pour ce premier test électoral pour François Hollande, dans un contexte tendu entre une gauche impopulaire au pouvoir et une droite empêtrée dans des affaires.

Selon les estimations de trois instituts de sondage (Ifop-SAS, CSA et Harris Interactive), le taux d'abstention devrait s'élever à environ 35 %, contre 33,5 % lors des dernières municipales de 2008.

Rarement, une élection intermédiaire - la première depuis la victoire du socialiste François Hollande à la présidentielle de 2012 - s'est déroulée dans un contexte aussi hostile au pouvoir en place. M. Hollande et son premier ministre Jean-Marc Ayrault, à presque mi-mandat, ne sont crédités que de 20 à 25 % de confiance dans les sondages.

Selon les chiffres fournis par le ministère de l'Intérieur, le taux de participation en métropole était de 54,72 % à 17 h (midi heure du Québec), en baisse par rapport à celle du précédent scrutin de 2008 (56,25 %).

Peu de commentateurs se sont risqués à un pronostic sur l'issue d'un scrutin municipal à deux tours où l'enjeu est avant tout local.

Les politologues insistent sur la notion d'«abstention différentielle». «L'enjeu est de savoir qui (de la droite ou de la gauche, ndlr) en souffrira le plus», analysait avant le scrutin Dominique Reynié, professeur à Sciences Po.

À Hénin-Beaumont (nord), symbole de l'âpre lutte que mène le parti d'extrême droite Front national (FN) pour arracher au Parti socialiste des terres historiquement de gauche, les électeurs étaient partagés entre leur ras-le-bol de la crise et la peur de l'extrémisme.

«On n'attend plus grand chose des politiques. D'une manière générale, il y a un manque d'ambition pour la ville (...) Briois (Steeve Briois, candidat FN), on ne sait pas, il n'a jamais exercé. Est-ce qu'il ne faut pas lui donner une chance?», s'interrogeait Gilles, 67 ans.

Au plan national, le FN espère conquérir dix à quinze villes. Et dès dimanche, il pourrait émerger comme un faiseur de rois, en imposant des triangulaires au Parti socialiste et au principal parti de droite l'UMP dans 150 à 200 villes.

L'enjeu pour le Parti socialiste est de garder de grandes villes comme Toulouse (sud-ouest) ou Strasbourg (est) et d'arracher la mairie de Marseille (sud) à un baron de l'UMP, qui brigue son 4e mandat.

L'UMP espère pour sa part reprendre une trentaine de villes à la gauche.

Paris est aussi sous les projecteurs avec un duel de femmes, pour la première fois dans l'histoire, entre l'ex-ministre UMP Nathalie Kosciusko-Morizet et Anne Hidalgo, l'actuelle première adjointe du maire socialiste sortant Bertrand Delanoë, à la tête de la capitale depuis 2001.

«Le premier degré de la politique»

La révélation d'affaires politico-judiciaires au cours des semaines passées pourrait aussi influer sur le vote des Français.

Surfacturations au détriment des finances du parti de droite UMP, enregistrements clandestins réalisés par un ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, écoutes judiciaires de l'ancien président: cette accumulation a renforcé le discrédit dont souffre la classe politique française.

Quel impact aura la tribune au vitriol de Nicolas Sarkozy, publiée jeudi soir par le quotidien de droite Le Figaro et où l'ancien chef de l'État compare la France à une dictature? «Cette prise de parole devrait amplifier la mobilisation de l'électorat de droite, alors que la campagne a été atone et que l'UMP n'a pas réussi à nationaliser le scrutin», estimait Bernard Sananès de l'institut CSA, dans le Figaro du week-end.

Toutefois la plupart des études d'opinion ont montré que les électeurs choisiront majoritairement leur maire en fonction de dossiers locaux: impôts, sécurité, voirie, propreté, emploi...

Ainsi, pour Denis et Françoise Boulanger, 55 ans tous les deux, venus voter en famille à Bordeaux (sud-ouest), les municipales «c'est la politique de base, de terrain, le premier degré de la politique, là où les résultats sont les plus palpables».

Le scrutin vise à désigner pour six ans les conseillers municipaux dans quelque 36 700 communes, ceux-ci étant ensuite amenés à désigner parmi eux leur futur maire.

Selon les communes, les bureaux fermeront en métropole entre 18 h (13 h heure du Québec) et 20 h.