Moins d'une semaine après la première condamnation à Paris d'un génocidaire rwandais, la justice française a inculpé un médecin installé en France pour son rôle présumé dans des massacres commis il y a vingt ans à Kibuye, dans l'ouest du Rwanda.

Le Dr Charles Twagira, un Rwandais qui a obtenu la nationalité française, a été mis en examen jeudi pour génocide et crimes contre l'humanité lors du drame de 1994, qui, en 100 jours environ, a coûté la vie à 800 000 personnes, principalement des Tutsi.

Comme la grande majorité des Rwandais hutu poursuivis par la justice française, il a été traqué par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dont le président Alain Gauthier cherche sans relâche à débusquer les génocidaires présumés installés en France.

C'est lui qui avait retrouvé sur l'île de Mayotte Pascal Simbikangwa, condamné le 14 mars à 25 ans de réclusion à Paris, au terme du premier procès en France sur le génocide rwandais. Il a fait appel.

L'arrestation et la mise en examen de Charles Twagira «est une illustration supplémentaire, après la tenue du procès Simbikangwa, du changement d'attitude des autorités françaises», s'est félicité le président de la Fédération internationale des droits de l'Homme, Patrick Baudouin.

À l'heure actuelle, 27 procédures judiciaires sont en cours au pôle génocide du Tribunal de grande instance de Paris. Deux sont proches de la clôture, selon une source proche du dossier: elles visent Octavien Ngenzi et Tito Barahira, arrêtés en 2010 à Mayotte et en 2011 à Toulouse.

Dans sa plainte de 2009 contre Charles Twagira, qui avait entraîné l'ouverture d'une information judiciaire, le CPCR dresse une longue liste de crimes susceptibles d'être reprochés à celui qui travaillait jusqu'à son arrestation mardi dans un hôpital du nord-ouest de la France, à Vire, en Normandie.

Aujourd'hui âgé de 54 ans, le Dr Twagira était décrit dans cette plainte comme «un des chefs de la milice dans la commune de Kibuye, dont la raison d'être et le but étaient de commettre le génocide des Tutsi».

Placement en détention requis

Cités dans cette plainte consultée par l'AFP, des témoins pointent sa responsabilité dans l'assassinat de l'épouse et des enfants de son prédécesseur à la tête de l'hôpital de Kibuye, l'accusent d'avoir «entravé l'installation des aides sanitaires du stade où s'étaient réfugiés des milliers de Tutsi» qu'il aurait refusé «délibérément de soigner».

Selon le CPCR, s'appuyant toujours sur des témoignages, «Charles Twagira a notamment usé de ses fonctions de médecin au sein de l'hôpital afin d'y conduire les tueurs et leur permettre de tuer les Tutsi qui s'y trouvaient», il aurait «organisé des barrages» dans son établissement «permettant aux miliciens de contrôler l'identité de la population et d'empêcher ainsi les Tutsi de fuir» ou encore «ordonné les tueries de Tutsi qui s'étaient réfugiés dans le stade et à l'hôpital».

Au moment du dépôt de plainte, Charles Twagira s'était offusqué d'une «diffamation inacceptable».

Il avait en vain tenté en 2011 de faire interdire la diffusion du documentaire «Génocide rwandais: des tueurs parmi nous?» sur France 2, dans lequel il apparaissait.

Il a travaillé à l'hôpital de Rouen (nord-ouest) avant de perdre son emploi et de partir dans une autre ville, à Evreux. Alain Gauthier explique avoir ensuite retrouvé son nom dans l'organigramme de l'hôpital de Vire, ajoutant avoir envoyé un courriel au directeur de l'établissement sans obtenir de réponse. «Quand je l'ai retrouvé, je me suis dit: en voilà un qui ne pourra jamais, jamais échapper à la justice», a déclaré Alain Gauthier à l'annonce de la mise en examen.

Selon Elio Melis, directeur de l'hôpital de Vire, Charles Twagira avait été recruté en avril 2012. Il  était «rattaché au service gérontologique et ne posait aucun problème professionnel particulier».

Le parquet a requis son placement en détention. Un juge spécialisé devait se prononcer sur ce point.