L'ex-président français Nicolas Sarkozy se trouvait mercredi en situation délicate après la divulgation de conversations téléphoniques avec son avocat potentiellement très compromettantes, alors que son camp crie à une machination pour empêcher son retour sur le devant de la scène.

La teneur de sept écoutes judiciaires de conversations téléphoniques de Nicolas Sarkozy avec son avocat Thierry Herzog a été publiée par le site internet d'information Mediapart, alors que l'ex-président - battu en 2012 par le socialiste François Hollande - fait de moins en moins mystère de son désir de prendre sa revanche en 2017.

Dans ces conversations, l'avocat qualifie de «bâtards» les juges de Bordeaux (sud-ouest) qui avaient mis en examen l'ex-président dans le cadre de l'affaire d'abus de faiblesse présumé de la milliardaire Liliane Bettencourt.

Le Monde, qui avait révélé en premier l'affaire, titrait mercredi en première page que «le contenu des écoutes accable Nicolas Sarkozy», qui paraît avoir été renseigné sur son cas par un magistrat haut placé.

«Ce sont les mots d'un ancien président de la République pris la main dans le sac», écrit Mediapart.

Pour le quotidien de gauche Libération, «s'il y avait encore un doute, il vient d'être levé». Ces écoutes «font désormais apparaître tous les éléments d'un scandale d'État que la droite elle-même ne pourra pas nier», écrit ce journal dans un éditorial intitulé Scandale.

Une source judiciaire a confirmé à l'AFP la teneur des extraits publiés par Mediapart.

Ces extraits de conversations tenues sur la seconde ligne téléphonique de l'ancien président ouverte sous la fausse identité de «Paul Bismuth», entre le 28 janvier et le 11 février, tournent largement autour d'une décision attendue de la cour de Cassation concernant les agendas de M. Sarkozy, saisis dans ce dossier dans lequel celui-ci a bénéficié d'un non-lieu.

Depuis, la Cour de Cassation, plus haute juridiction française, a indiqué qu'elle refusait de statuer sur le recours de M. Sarkozy, la justice pouvant ainsi continuer à utiliser ces agendas détaillant les rendez-vous de son propriétaire.

Les agendas de M. Sarkozy figurent notamment dans la procédure sur l'arbitrage controversé dont a bénéficié en 2008 l'homme d'affaires Bernard Tapie dans son litige avec le Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas.

Ils sont également susceptibles d'intéresser les juges enquêtant sur des affaires embarrassantes pour l'ancien pouvoir comme les accusations de financement de la campagne présidentielle de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi.

C'est précisément lors d'écoutes dans ce dossier qu'a été découverte l'existence d'un second téléphone que M. Sarkozy s'était procuré pour échapper à la surveillance des juges et parler librement avec son avocat. Une de leurs conversations a déjà donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire pour violation du secret de l'instruction et trafic d'influence.

«Avec ce que tu fais...»

Comme l'avait révélé Le Monde, elle semble en effet indiquer qu'un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, renseignait le camp Sarkozy sur les tendances qui se dessinaient à la cour.

Ainsi selon le résumé de Mediapart, Me Herzog se félicite le 29 janvier auprès de M. Sarkozy du dévouement de leur informateur, qui a bien «bossé». L'avocat se montre optimiste sur une annulation par la Cour de cassation de la saisie des agendas, «sauf si le droit finit par l'emporter», commente-t-il. «Un aveu stupéfiant», selon Mediapart.

Une écoute du 30 janvier laisse apparaître que «Gilbert» a eu accès à l'avis confidentiel du rapporteur de la Cour de cassation à ses collègues, qui conclut à l'annulation de la saisie des agendas et au retrait de toutes les mentions relatives à ces documents dans l'enquête Bettencourt.

Le 1er février, Nicolas Sarkozy appelle son avocat en lui demandant de l'appeler sur sa ligne officielle cette fois, pour «donner l'impression d'avoir une conversation».

Dans une écoute du 5 février, toujours selon le site, Nicolas Sarkozy se dit prêt à aider Gilbert Azibert à obtenir un poste à Monaco. Son avocat confie avoir rassuré par avance «Gilbert» à ce sujet: «Tu rigoles, avec ce que tu fais...».

La lecture des documents publiés par Mediapart «est ahurissante, hallucinante et surtout attristante», a réagi mercredi le premier secrétaire du parti socialiste (au pouvoir), Harlem Désir.

Le président de l'UMP (droite), le parti de Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé a demandé de la «retenue», regrettant une atmosphère «passionnée» et des «bouts de révélations» sur ces écoutes, «en pleine campagne» des élections municipales.