Mis en cause par la droite dans l'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy, le gouvernement socialiste français s'est défendu mercredi de tout «espionnage politique» ou «mensonge», faisant bloc autour de la ministre de la Justice Christiane Taubira.

À dix jours d'élections municipales en France, ces accusations surviennent alors que le premier parti de la droite française, l'UMP (Union pour un mouvement populaire), fait face à une avalanche de scandales, visant l'ancien chef d'État (2007-2012), ses proches et le président du parti, Jean-François Copé.

Depuis mardi, c'est au tour des socialistes d'être sur la défensive, après des déclarations contradictoires du premier ministre Jean-Marc Ayrault et de Christiane Taubira, accusée par la droite d'avoir «menti» en déclarant avoir découvert dans la presse le 7 mars l'existence d'écoutes de l'ancien président.

Mardi soir, M. Ayrault a expliqué avoir été averti, comme Mme Taubira, le 26 février de l'ouverture d'une information judiciaire et de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy, tout en assurant ne pas avoir eu connaissance du «contenu» des enregistrements.

Mercredi, le procureur général de Paris, François Falletti, a confirmé avoir informé la Chancellerie le 26 février de la mise sur écoutes, tout en précisant que «c'est la règle» dans ce type de dossier sensible.

La ministre de la Justice «a menti» et «il n'est pas possible qu'elle reste en fonction. Sa démission face à ce mensonge est inéluctable», a réagi mercredi le président de l'UMP, lui-même sur la sellette après avoir été accusé d'avoir favorisé des proches dans l'attribution de contrats par son parti.

«Non, je n'ai pas menti», «non, je ne démissionnerai pas», a riposté la ministre de la Justice, qui a évoqué un «malentendu», concédant qu'elle aurait pu être «plus précise».

Également visé par la droite, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a assuré n'avoir appris l'existence des écoutes qu'«à l'occasion des révélations du (quotidien Le) Monde,», le 7 mars.

«Personne au gouvernement n'a eu accès au contenu de ces écoutes. C'est évidemment toujours le cas aujourd'hui», a-t-il également insisté, précisant que le président François Hollande, que la droite a sommé de s'expliquer, avait été informé, à sa connaissance, le 4 mars.

«Enfumage»

Depuis la révélation par le journal Le Monde de la mise sous écoute de Nicolas Sarkozy depuis avril 2013, une première pour un ancien président, la droite, déjà fortement ébranlée par la révélation d'enregistrements clandestins réalisés à la présidence par un conseiller de M. Sarkozy, tente de reprendre pied. Elle a dénoncé tour à tour un complot, «une affaire d'État» et un «véritable espionnage politique».

Ces qualificatifs constituent «une des plus belles opérations d'enfumage politique et médiatique», a rétorqué mercredi le ministre socialiste des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies.

Et le premier ministre a confirmé dans la foulée Mme Taubira dans ses fonctions. «Oui, elle a sa place au gouvernement. Ce qui n'a pas sa place, c'est la rumeur, c'est la désinformation, c'est le dénigrement, en particulier le dénigrement de la justice qui travaille en toute indépendance dans notre pays, que cela gêne ou ne gêne pas. Il n'y a pas de problème, il faut que la justice passe et elle passera», a déclaré M. Ayrault.

Le parquet national financier a annoncé que deux téléphones utilisés par Sarkozy avaient été placés sur écoute depuis les 3 et 19 septembre 2013 dans l'enquête sur un financement présumé de sa campagne en 2007 par le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, tué en octobre 2011.

Par ailleurs, «les lignes téléphoniques de Me Thierry Herzog», l'avocat de l'ancien président, «n'ont jamais été interceptées et enregistrées», a poursuivi le parquet. Des sources proches du dossier avaient auparavant précisé à l'AFP que l'avocat avait été entendu par les enquêteurs de manière incidente, lors de ses conversations avec l'ancien président.

À la suite de l'interception d'une conversation entre MM. Sarkozy et Herzog, une information judiciaire a été ouverte pour «trafic d'influence» et «violation du secret de l'instruction». Selon une source proche du dossier, les deux hommes évoquaient la possibilité d'apprendre auprès d'un magistrat la future orientation de la Cour de Cassation sur le dossier des agendas de l'ex-président, saisis par la justice.

Mardi, au grand dam de Nicolas Sarkozy, la plus haute juridiction française a autorisé la justice à pouvoir continuer à les utiliser dans plusieurs enquêtes, qui compromettent un éventuel retour en politique de l'ex-président.