Un garçon habillé d'un mince blouson grelotte dans un abribus à Oslo, en Norvège. Des passants (filmés à leur insu) lui donnent leurs gants, leur foulard, ou même leur manteau. Un message apparaît à la fin: «Les enfants syriens ont froid. Donnez-leur un manteau chaud.» Pourquoi cette campagne publicitaire humanitaire est-elle devenue virale alors que tant d'autres peinent à attirer l'attention? Quatre mots pour comprendre ce succès.

Conflit

La crise dure depuis maintenant trois ans. Elle a fait des centaines de milliers de morts et plus de 2,3 millions de réfugiés. Les Nations unies ont lancé en janvier une collecte de fonds de 6,5 milliards de dollars pour les victimes, la plus importante opération de son histoire pour une situation d'urgence. Mais l'argent manque toujours. «Une collecte de fonds est habituellement plus difficile à mener pour les victimes de guerre que pour celles d'une catastrophe naturelle, note Myrian Marotte de la Croix-Rouge canadienne. Les donateurs se demandent si l'argent va se rendre, s'il ne sera pas intercepté par l'un des belligérants.»

Proximité

Déjà difficile à «vendre» auprès des donateurs, la tragédie des enfants syriens se joue loin des Occidentaux. La proximité est un élément-clé d'une collecte de fonds, note Myrian Marotte de la Croix-Rouge. En Norvège, la branche locale de SOS-Villages d'enfants (une ONG internationale qui distribue notamment vêtements et couvertures aux enfants syriens) a choisi de replacer le contexte des réfugiés dans une réalité bien nordique. «Nous avons donné des instructions à Johannes, qui est acteur, avant de l'envoyer dans l'abribus, et nous avons caché des caméras», raconte Synne Rønning, jointe à Oslo hier. Au grand soulagement de l'équipe, les passants ont été généreux et ont accepté, après coup, d'apparaître dans la publicité.



Viral


La publicité, mise en ligne mercredi, a connu un succès immédiat. En 24h, l'organisme a amassé 270 000$. «Notre objectif était de 200 000 couronnes [soit environ 37 000$], et nous trouvions que c'était ambitieux!», dit Mme Rønning. Hier, la vidéo avait atteint près de 7 millions de visionnements dans le monde. Les Norvégiens sont invités à envoyer 90 couronnes (environ 17$) pour un manteau chaud - environ 20 000 personnes ont répondu, ce qui représente moins de 1% de tous les visionnements. Néanmoins, selon les médias norvégiens, la Croix-Rouge et Save the Children ont aussi profité de la vidéo. «Au fait, glisse Mme Rønning, saviez-vous qu'il y a une section canadienne de SOS-Villages d'enfants?»

Mots

L'ONU le dit sur tous les tons depuis longtemps: la situation des enfants syriens est «catastrophique». Ils subissent des «actes de terreur», de la «torture», des «sévices sexuels», servent de «bouclier humain» ou sont enrôlés comme «enfants soldats», a écrit le Secrétaire général des Nations unies en janvier. Le problème du froid chez les réfugiés a aussi été soulevé en 2012 et 2013. Mais les images de Johannes qui grelotte à Oslo semblent avoir été plus efficaces que bien des mots... «Je comprends les gens, dit Mme Rønning. Parfois, on reçoit le message. Parfois, ce n'est pas le cas. Je crois que lorsqu'on livre le message de la bonne façon, les gens sont touchés.»