L'opposition ukrainienne a demandé lundi à Berlin à Angela Merkel une aide financière et des sanctions contre l'entourage du président Viktor Ianoukovitch, à la veille de l'examen au Parlement d'une réforme constitutionnelle réduisant les pouvoirs présidentiels pour sortir de la crise.

«Je pense que l'Union européenne et l'Allemagne ont des mécanismes pour introduire des sanctions», a déclaré au cours d'une rencontre avec la chancelière allemande Vitali Klitschko, l'un des chefs de l'opposition ukrainienne et ancien champion du monde de boxe poids lourds, qui a remporté la plupart de ses victoires en Allemagne, où il est très populaire.

«Il faudrait vérifier l'origine des revenus de Ianoukovitch et de ses proches ainsi que des oligarques qui soutiennent le régime. Toutes les transactions suspectes doivent être bloquées dans le cadre des directives de l'UE concernant le blanchiment d'argent», a-t-il ajouté, selon un communiqué de son parti Oudar (Coup).

Vitali Klitschko et Arseni Iatseniouk, allié de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, ont été reçus lundi par Mme Merkel au moment où l'Ukraine, théâtre d'une contestation sans précédent depuis près de trois mois, traverse une grave crise politique.

«La situation reste extrêmement tendue», a jugé la chancelière en appelant l'Ukraine à «avancer énergiquement sur la composition du gouvernement et la réforme de la Constitution».

Née de la volte-face du pouvoir ukrainien fin novembre sur un accord d'association avec l'Union européenne au profit de la Russie, la contestation pro-européenne s'est transformée en un rejet du régime de Viktor Ianoukovitch.

Ni la démission du gouvernement fin janvier, ni les négociations n'ont réglé le conflit, marqué par des affrontements qui ont fait quatre morts et plus de 500 blessés.

Besoin d'aide financière

Vitali Klitschko, qui affiche des ambitions présidentielles, a par ailleurs souligné à Berlin que la pression occidentale sur le président Ianoukovitch devait aller de pair avec «un programme positif pour le peuple ukrainien», prévoyant une aide financière et la suppression ou l'allègement du régime de visas avec l'Europe.

Peu après la rencontre à Berlin, la Russie a annoncé qu'elle comptait verser «cette semaine» 2 milliards de dollars à l'Ukraine, en manque de liquidités et au bord d'un défaut de paiement.

La Russie, qui a poussé Kiev à renoncer à un rapprochement avec l'UE, a octroyé en décembre un crédit de 15 milliards de dollars, dont 3 milliards ont été déjà versés, et un important rabais du prix du gaz.

Les Occidentaux ont également dit préparer une aide financière à l'Ukraine.

«Nos partenaires européens sont prêts à un soutien», a déclaré M. Iatseniouk à Berlin en évoquant notamment un soutien financier de 610 millions d'euros.

«Cette aide pourrait être octroyée à un gouvernement technique qui aura la confiance des gens et mènera les réformes», a souligné M. Klitschko.

La visite des opposants à Berlin intervient à la veille de la reprise des travaux au Parlement qui devrait débattre d'une réforme constitutionnelle exigée par l'opposition qui veut réduire les pouvoirs présidentiels au profit du Parlement et du gouvernement.

Selon son entourage, le président Ianoukovitch pourrait aussi présenter dès mardi un nouveau Premier ministre dont la nomination est attendue tant par Moscou que par Bruxelles.

«Offensive pacifique»

L'opposition a d'ores et déjà appelé à une manifestation mardi matin devant le Parlement dans le cadre d'une «offensive pacifique».

Les militants du Secteur droit, groupe d'extrême droite à l'origine de jets de pavés et de cocktails Molotov contre les policiers antiémeute fin janvier, ont aussi annoncé une «mobilisation» pour mardi de leurs partisans.

Dans la matinée, un certain apaisement semblait régner à Kiev avec l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie pour les manifestants poursuivis, au lendemain de l'évacuation de la mairie, lieu symbolique de la contestation ukrainienne.

Quelque 234 manifestants avaient été arrêtés, puis libérés ou assignés à résidence, et encouraient de lourdes peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison.

L'évacuation de la mairie de Kiev et d'autres bâtiments publics en province était un préalable à l'application de cette loi.

Les manifestants occupent toujours le Maïdan, place centrale de Kiev entourée de barricades et où leur camp de toile est maintenu.

L'évacuation de la mairie, lieu très symbolique de la contestation transformée en «QG de la révolution», a toutefois été très mal vécue par beaucoup de manifestants, qui ont estimé que l'opposition faisait des concessions sans qu'aucune exigence sur le fond des manifestants n'ait été satisfaite par le président Viktor Ianoukovitch.