Des manifestations contre le pouvoir se sont poursuivies pour la septième journée mardi en Bosnie, où les appels à des législatives anticipées sont rendus illusoires par la complexité de l'administration imposée par la communauté internationale après le conflit intercommunautaire de 1992-95.

Rassemblés devant le siège du gouvernement à Sarajevo, des manifestants ont réclamé la démission du Premier ministre de l'entité croato-musulmane Nermin Niksic qui refuse de partir.

«Je respecte le droit des citoyens de manifester, voire même de réclamer la démission du gouvernement. Mais nous estimons que mon départ et celui des ministres conduirait à une paralysie au sein de l'entité» croato-musulmane, a déclaré M. Niksic.

«À bas le gouvernement», «Voleurs», scandaient les manifestants devant un important dispositif de la police anti-émeutes.

Des centaines de personnes ont également manifesté mardi à Tuzla (nord-ouest), Mostar (sud), Zenica (centre) et Brcko (nord) réclamant des élections législatives anticipées.

Depuis le début de ces manifestations mercredi dernier, les chefs de quatre administrations régionales sur les dix que compte la Fédération croato-musulmane ont présenté leur démission.

Les forces politiques de l'entité croato-musulmane formant, depuis la fin de la guerre, la Bosnie avec une entité serbe, se sont dites prêtes à aller aux urnes huit mois avant le scrutin prévu pour octobre, afin de calmer la grogne populaire.

Mardi soir, le membre musulman de la présidence tripartite bosnienne et dirigeant du principal parti musulman (SDA), Bakir Izetbegovic, a également appelé à des élections anticipées.

«Nous estimons que la situation actuelle peut être surmontée uniquement par la tenue d'élections anticipées (...) en mai», a déclaré M. Izetbegovic à la presse.

Mais en Bosnie le code électoral ne prévoit pas d'élections anticipées.

Le Parti social-démocrate (SDP, au pouvoir) a remis mardi au Parlement central du pays un projet d'amendement au code électoral afin d'y introduire la possibilité d'organiser un tel scrutin.

Sa modification s'annonce difficile parce que les leviers du pouvoir sont partagés entre les représentants politiques des trois principaux peuples (Serbes, Croates, Musulmans) et toute décision nécessite un consensus.

Les entités ne peuvent pas organiser séparément les élections. Or le président de l'entité serbe, Milorad Dodik, a clairement fait savoir qu'il refusait les élections anticipées.

Un vrai casse-tête

Devant ce casse-tête, la clé pour organiser un scrutin avant octobre se trouve chez le Haut représentant de la communauté internationale, l'Autrichien Valentin Inzko. Cette fonction est dotée de pouvoirs discrétionnaires lui permettant d'imposer des lois.

«Si la modification du code électoral ne pourra pas être adoptée au Parlement, le Haut représentant a la possibilité de le faire», a souligné M. Izetbegovic.

Il a aussi réclamé la démission du ministre bosnien de la Sécurité, Fahrudin Radoncic, son principal rival politique, l'accusant d'avoir «échoué» à protéger le bâtiment de la présidence du pays, incendié dans les violences vendredi.

Interrogé mardi par l'AFP, M. Radoncic, un homme d'affaires reconverti récemment dans la politique, a déclaré qu'il soutenait «pleinement» les manifestations.

«Une mafia est aux commandes du pays depuis vingt ans. La privatisation des compagnies publiques a été faite d'une manière illégale, poussant au chômage des centaines de milliers de personnes», a-t-il affirmé.

«Ce à quoi on assiste est une grande révolte sociale des citoyens appauvris et pillés», a dit M. Radoncic, ajoutant que son parti entendait emporter les élections, qu'elles soit organisées en octobre ou plus tôt.

Parti de Tuzla, jadis la plus importante ville industrielle de Bosnie, où des milliers de salariés se sont retrouvés au chômage à cause des échecs en série des privatisations de leurs usines, le mouvement de protestation a gagné la capitale et plusieurs autres grandes villes. Il s'agit notamment d'agglomérations où les Musulmans sont majoritaires.

Dans ce pays de 3,8 millions d'habitants, le chômage frappe 44% de la population active.