Parce qu'il n'avait pas un patrimoine génétique intéressant, Marius, girafon d'un an et demi, a été euthanasié dimanche au zoo de Copenhague, malgré la colère des amoureux des animaux.

L'animal, bien qu'en parfaite santé, a été exécuté avec un pistolet d'abattage, avant une autopsie à laquelle ont assisté des visiteurs, dont des enfants. L'animal a fini dépecé devant les caméras des médias danois, pour nourrir les fauves.

«Il a été abattu à 9 h 20 (3 h 20 à Montréal). Cela s'est passé comme prévu», a indiqué à l'AFP le porte-parole du zoo, Tobias Stenbaek Bro.

Il n'avait pas prévu en revanche que l'affaire déchaîne les passions bien au-delà des frontières du Danemark. «C'est toujours le droit des gens de protester. Mais bien sûr nous avons été étonnés», a souligné M. Stenbaek Bro.

Il a ajouté que des membres du personnel du zoo avaient reçu des menaces de mort, notamment le directeur scientifique Bengt Holst qui «a reçu un appel de ce genre au milieu de la nuit» de samedi à dimanche.

Le zoo avait longuement expliqué sur son site internet mercredi, en danois, qu'il n'avait pas d'autre choix que de ne pas laisser le girafon devenir adulte. Dimanche, il a traduit ce plaidoyer en anglais.

Il y explique qu'il participe à un programme de l'Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA) pour éviter la consanguinité entre girafes. En vertu de ce programme, les gènes de Marius ont été jugés trop peu originaux pour lui permettre de se reproduire dans son zoo ou dans un autre du réseau de l'EAZA, qui compte 300 établissements.

«Nous ne sommes pas propriétaires des animaux (...) Nous devons donc suivre les directives de l'EAZA» qui est le véritable propriétaire, a précisé M. Stenbaek Bro.

Les autres solutions que l'euthanasie ont été écartées: la castration, jugée plus cruelle et qui aurait «des effets indésirables», et la réintroduction dans la nature, processus qui a peu de chances de réussir et qui, dans le cas des girafes, n'est pas souhaité par les pays africains.

La mort du girafon a révolté des internautes du monde entier.

Dimanche matin, à l'heure de sa mort, plus de 5200 d'entre eux étaient inscrits à un groupe Facebook appelé «Sauvez Marius». Près de 3400 avaient signé une pétition en danois sur skrivunder.net, et près de 24 000 une autre pétition, en anglais, sur thepetitionsite.com, soit 10 fois plus que samedi soir.

Après l'euthanasie, beaucoup se disaient choqués que le zoo de Copenhague ait refusé son transfert.

Le parc animalier du Yorkshire à Doncaster (Angleterre), membre de l'EAZA, a indiqué à l'AFP avoir contacté en urgence samedi ses collègues danois pour proposer d'adopter Marius, mais ne pas avoir reçu de réponse.

En septembre 2012, un girafon du même âge à peu près, Palle, avait pris un traversier de Copenhague à Kingston upon Hull pour aller vivre dans ce même zoo, où l'on peut toujours le voir.

Le zoo de Frösö, à Östersund (Suède), non membre de l'EAZA, a révélé samedi au quotidien suédois Expressen avoir demandé sans succès à récupérer Marius. Son propriétaire affirmait avoir toujours l'agrément qui lui avait permis par le passé d'avoir deux girafes.

Samedi soir, le quotidien danois Ekstrabladet avait aussi rapporté les propos d'un imprésario danois installé à Los Angeles, Claus Hjelmbak, qui aurait trouvé un acheteur.

«Une de mes amis proches, milliardaire, a dit qu'elle voulait transférer quelques millions là-bas pour que nous puissions acheter le girafon. Il aurait tout à fait pu habiter dans son jardin à Beverly Hills. Mais le directeur n'était pas intéressé par une vente. Je suis en colère», a-t-il dit.

Le zoo de Copenhague a indiqué avoir reçu une offre de deux millions de couronnes (près de 405 000 $) d'un particulier. Mais dès l'annonce de l'euthanasie, le zoo avait fait savoir que sa politique était de ne pas vendre ses animaux.

Au Danemark, la campagne en faveur du girafon a été ignorée par les deux principales associations de défense des animaux danoises, Dyrenes Beskyttelse («protection des animaux», l'équivalent de la SPA française) et Anima (qui milite pour le véganisme).

Interrogé par Expressen, un responsable de l'Association des zoos suédois, Jonas Wahlström, a dit comprendre l'euthanasie, mais s'étonner du sort réservé à la dépouille. «Si on annonçait ça dans les zoos suédois, je crois que le personnel se ferait presque lapider», a-t-il estimé.

Les Danois agacés

Les internautes danois se montraient agacés lundi sur Twitter par la vague d'indignation mondiale ayant suivi l'euthanasie d'un girafon au zoo de Copenhague pour des raisons génétiques.

Pour de nombreux Danois, cette réaction du reste du monde a été hypocrite et politiquement correcte, tandis qu'un professeur d'éthique a souligné la «disneyïfication» des zoos, après la mort de Marius, un an et demi, dont l'Association européenne des zoos et aquariums (EAZA) a jugé qu'il risquait d'engendrer des girafes consanguines.

«Le monde entier est devenu dingue. Qu'est-ce qu'ils imaginent que les lions mangent les jours sans festin comme Marius? Des choux de Bruxelles?», écrivait un journaliste du quotidien de référence Politiken, Kristian Madsen.

«Marius a eu un bon endroit pour vivre au zoo pendant un an et demi. Il a vécu, et maintenant les lions sont heureux aussi et rassasiés», juge Mikkel Dahlqvist, un consultant en relations publiques.

«Comment les gens peuvent-ils se mettre dans des états pareils alors que le cancer, la guerre en Syrie et le Parti populaire danois opposé à l'immigration, NDLR existent toujours?», s'interrogeait Dorte Dejbjerg Arens, une responsable de projet dans le tourisme.

Certains étaient moins cléments encore. «Je suis végétarien depuis plus de 10 ans. J'ai rarement eu autant envie de manger de la viande que ce week-end», confiait Sune Blom, président des partisans du club de football de Brøndby.

Le peu d'émotion au Danemark face à la scène de ce girafon autopsié devant des visiteurs, dont des enfants, peut s'expliquer par des raisons culturelles, dans ce pays à forte tradition d'élevage, explique à l'AFP Peter Sandøe, professeur de bioéthique de l'Université de Copenhague.

«Le sentiment général, ici, est qu'il est normal d'avoir et de tuer des animaux tant qu'on les traite bien», a-t-il relevé, rappelant la faiblesse relative du militantisme en faveur des animaux dans ce pays.

Il a critiqué la «Disneyïfication» des zoos, où la mortalité des bébés animaux est très faible comparé à celle de leurs congénères sauvages.

«On donne cette image très romantique des animaux (représentés) comme des gens recouverts de plumes ou de poils», a-t-il regretté.

Pour M. Sandøe, le zoo de Copenhague, en refusant de castrer ou de donner des contraceptifs à ses animaux, n'a pas perdu de vue que le rôle d'un zoo est de préserver des espèces plutôt que des individus et de contribuer à la connaissance de la vie sauvage.

«Je pense que le zoo de Copenhague est en pointe dans ce domaine parce qu'en faisant cela il imite la vie naturelle des animaux», a-t-il estimé.