Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch est arrivé jeudi soir à Sotchi pour rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine, après un entretien avec la diplomate américaine Victoria Nuland, à l'origine de propos controversés contre l'Union européenne.

Dans une bande-son d'une conversation téléphonique qui semble avoir été enregistrée à son insu, et mise en ligne sur YouTube jeudi, on entend la secrétaire d'État adjointe américaine pour l'Europe, lancer à son interlocuteur: «Que l'UE aille se faire foutre».

Mme Nuland, dont la voix est très clairement identifiable, s'entretient avec un homme qui est très certainement l'ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt. Les deux diplomates parlent pendant quatre minutes de la manière de régler la situation politique dans ce pays.

La conversation, diffusée sur YouTube avant d'être très largement relayée sur Twitter, n'est pas datée et il n'était pas possible de l'authentifier de manière certaine.

Tout en refusant d'en dire plus sur cette «conversation diplomatique privée», la porte-parole du département d'État, Jennifer Psaki, a mis en cause jeudi les autorités russes pour avoir fait de la publicité autour de cette affaire, en relayant la bande-son sur Twitter. Les méthodes de la Russie sont «tombées bien bas», a-t-elle estimé.

Jennifer Psaki a également précisé que Victoria Nuland avait présenté ses excuses.

De son côté, le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a jugé que le fait que la conversation ait été «diffusée sur Twitter par le gouvernement russe est significatif du rôle de la Russie».

Le Kremlin, qui s'oppose à Washington et à Bruxelles dans la crise ukrainienne, avait déjà haussé le ton à l'arrivée même de Mme Nuland à Kiev, sommant les États-Unis de cesser de «faire du chantage» à l'égard de l'Ukraine et de financer «les rebelles» dans ce pays.

«L'Occident doit arrêter le chantage et l'intimidation dont l'illustration est la rencontre de Nuland avec les oligarques, les représentants du président et de l'opposition», a déclaré un conseiller du président Vladimir Poutine, Sergueï Glaziev, dans une interview accordée au quotidien Kommersant Ukraine.

M. Glaziev a aussi dénoncé «une tentative de coup d'État en Ukraine» que le pouvoir doit, d'après lui, combattre par la force pour éviter «le chaos». Les Américains dépensent «20 millions de dollars par semaine pour financer l'opposition et les rebelles, y compris pour les armer», avait-il ajouté.

Rencontre à Sotchi

Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch doit rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine à Sotchi, où il est arrivé jeudi soir, selon une source bien informée qui s'est refusée à indiquer à l'AFP quand M. Ianoukovitch pourrait voir M. Poutine. Ces entretiens «peuvent se tenir désormais à n'importe quel moment», a-t-on ajouté.

Au cours des deux derniers jours, Moscou a adressé au président ukrainien des mises en garde répétées contre un changement de cap, sous-entendant que la Russie ne maintiendrait son aide de 15 milliards de dollars à l'Ukraine et la baisse de 30% du prix du gaz qu'à condition que Kiev respecte ses engagements.

Mais lors de sa rencontre avec Mme Nuland, qui a aussi rencontré les trois principaux dirigeants de l'opposition, le président ukrainien s'est dit ouvert au dialogue avec ces derniers, et favorable au compromis pour dénouer la crise.

Dans une Ukraine secouée depuis plus de deux mois par un bras de fer interminable avec l'opposition parlementaire et les contestataires occupant le centre de Kiev, M. Ianoukovitch a déclaré qu'il souhaitait procéder «le plus rapidement possible» à une réforme constitutionnelle, «dans le respect de toutes les procédures».

C'est un point de divergence potentiel pour l'opposition, qui souhaite un retour rapide à la Constitution de 2004 afin de réduire les pouvoirs présidentiels, tandis que le chef de l'État voudrait faire rédiger un nouveau texte.

M. Ianoukovitch a aussi annoncé que «des mesures seraient prises prochainement pour accélérer la remise en liberté» des manifestants arrêtés lors des heurts avec la police, qui avaient marqué un tournant dans la crise déclenchée fin novembre à la suite de l'abandon par le président d'un accord d'association avec l'UE.

Colis piégé

La longue crise politique a affaibli ces jours derniers la monnaie ukrainienne, mais la hryvnia, qui a franchi mercredi la barre de neuf hryvnia pour un dollar sur le marché interbancaire, s'est ressaisie jeudi, cotant 8,88 en clôture.

À Kiev, deux opposants ont été blessés, dont un grièvement, jeudi par l'explosion d'un colis piégé, a indiqué la police.

Un homme était en train d'ouvrir un colis marqué «médicaments» et faisant partie des nombreux dons reçus par l'opposition, lorsque l'explosion s'est produite, lui arrachant la main et le blessant au visage, a rapporté la police. Un adolescent de 15 ans a été aussi touché, et brûlé aux yeux.

En Lituanie, l'opposant ukrainien torturé Dmytro Boulatov, a déclaré jeudi devant la presse que ses tortionnaires russophones l'avaient forcé à avouer qu'il était un espion américain.

Soigné dans un hôpital de Vilnius, M. Boulatov a dit avoir pensé que ses ravisseurs «devaient être des membres des services secrets russes».