L'opposition ukrainienne a demandé mardi au président de mettre un terme à la «dictature» en réduisant ses pouvoirs par une réforme constitutionnelle «urgente», alors que le pouvoir a fait miroiter la possibilité d'élections anticipées.

De telles élections sont réclamées depuis longtemps par l'opposition, mais une réforme constitutionnelle présente l'avantage d'une voie beaucoup plus réaliste.

À l'issue d'une journée riche en déclarations politiques, les chefs de l'opposition, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnybok, ont rencontré lors d'un dîner la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, arrivée en début de soirée à Kiev.

L'entretien a duré environ deux heures. À son issue, M. Tiagnybok, chef du parti nationaliste Svoboda, s'est borné à indiquer que les trois hommes pourraient revoir Mme Ashton mercredi, après sa rencontre prévue dans la matinée avec le président Viktor Ianoukovitch. «Il faut poursuivre le dialogue pour arriver à un résultat», a ajouté M. Tiagnybok.

Le Parlement dominé par les alliés du président Ianoukovitch n'a pas avancé sur la réforme constitutionnelle réclamée par l'opposition comme un élément clé pour sortir de la crise politique, alors que le pays est frappé par une vague de contestation sans précédent depuis plus de deux mois.

M. Klitschko, chef du parti Oudar, s'est rendu mardi auprès du chef de l'État pour lui demander une solution «immédiate». Mais celui-ci lui a expliqué que la réforme accordant davantage de pouvoirs au gouvernement et au Parlement pourrait prendre «jusqu'à six mois».

«Cela fera seulement monter la fièvre dans la société», a lancé l'ex-boxeur devant les députés - qui doivent reprendre leurs travaux mercredi à 08h00 GMT - à l'issue de son entretien avec M. Ianoukovitch.

Le mouvement né fin novembre de la volte-face pro-russe du pouvoir au détriment d'un rapprochement avec l'Union européenne s'est radicalisé et transformé en contestation radicale du régime de Viktor Ianoukovitch dont les manifestants réclament le départ.

Avant les débats, le représentant du président au Parlement, Iouri Mirochnitchenko, a créé la surprise en évoquant la possibilité d'élections anticipées.

Selon lui, M. Ianoukovitch a évoqué ce scénario au cours d'une rencontre avec les députés de son parti la semaine dernière, comme une solution alternative si un autre scénario, à savoir l'amnistie des manifestants arrêtés en échange de l'évacuation des bâtiments publics occupés, échouait.

L'opposition a jugé «inacceptable» cette proposition d'amnistie qui donne aux opposants 15 jours pour libérer les bâtiments occupés. Elle demande la libération inconditionnelle des militants arrêtés.

«Nous devons mettre fin à la dictature», a déclaré mardi M. Klitschko, avant de proposer le retour à la Constitution de 2004. Issu de la Révolution orange pro-occidentale, ce texte qui donnait beaucoup moins de pouvoirs au chef de l'Etat a été annulé après l'élection de M. Ianoukovitch en 2010.

Intervenant ensuite, Oleg Tiagnybok a accusé le pouvoir de suivre les ordres de Moscou et a appelé à «dépoutiniser» la vie politique ukrainienne.

Le chef du groupe parlementaire du Parti des régions de M. Ianoukovitch, Olexandre Efremov, a dénoncé de son côté «l'extrémisme» des manifestants et le chaos dans les rues.

Le débat animé au Parlement s'est déroulé à quelques heures de l'arrivée à Kiev de Mme Ashton, qui devait discuter avec le pouvoir et l'opposition de l'aide financière que l'UE et les États-Unis pourraient apporter à l'Ukraine, au bord de la cessation de paiements.

L'aide occidentale, encore à l'étude, dépendra de l'évolution politique en Ukraine et de la composition du futur gouvernement devant remplacer celui de Mykola Azarov, qui a démissionné la semaine dernière. Les opposants voudraient y occuper des postes clés, une fois les changements constitutionnels obtenus.

Cet hypothétique appui américain et européen pour Kiev se ferait «quand le pays reprendra la voie de la reprise économique, via le FMI», le Fonds monétaire international, a précisé la porte-parole du département d'État, Jennifer Psaki. Dans le passé, Kiev a refusé de se plier aux conditions très rigoureuses du FMI.

De l'avis de diplomates occidentaux, l'aide occidentale ne pourra pas égaler la proposition russe - promesse de 15 milliards de dollars de crédits, dont trois milliards ont déjà été versés, et baisse de 30% du prix du gaz.

Moscou a de son côté laissé entendre que la suite de la mise en oeuvre de son assistance dépendrait de la couleur du gouvernement ukrainien à venir.