Les opposants au mariage homosexuel ou à la «théorie du genre», prétendument enseignée dans les écoles, défenseurs d'une vision traditionaliste de la famille, ont manifesté nombreux dimanche en France au cours d'une démonstration de force révélatrice du réveil des conservatismes.

Venus à Paris pour la défense de «la famille et de l'enfant», les manifestants ont défilé le long des six kilomètres de parcours dans le centre de la capitale. Les organisateurs de la «Manif pour tous» ont revendiqué 500 000 personnes, la police avançant pour sa part le chiffre de 80 000.

À Lyon, troisième ville de France, ils étaient 20 000, selon la police, et le double, selon les organisateurs. Des manifestations étaient également prévues à Madrid et Varsovie, dans des pays de forte tradition catholique.

À Paris, de nombreuses familles étaient mêlées à des jeunes filles coiffées de bonnets phrygiens (emblème pendant la Révolution de la liberté et de la République), à une poignée d'élus de la droite conservatrice et à de prêtres tels Philippe Blin, curé dans la banlieue parisienne, qui «sent un acharnement contre les familles».

Pour Abdel et Saïd Ahmet, deux pères de famille algériens qui disent partager des «valeurs communes» avec les manifestants catholiques, «c'est la famille qui doit faire l'éducation sexuelle et pas le gouvernement».

Beaucoup de manifestants reprenaient les slogans «Hollande ta loi (sur le mariage homosexuel), on n'en veut pas!»au milieu de drapeaux tricolores. «C'est une mobilisation considérable», s'est réjouie Ludovine de la Rochère, organisatrice de la manifestation, appelant le gouvernement à répondre aux «questions soulevées par les manifestants».

Après s'être mobilisés en novembre 2012 contre le mariage homosexuel, une partie de la France conservatrice, voire réactionnaire, fustige toujours ce mariage et craint l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, la légalisation des «mères porteuses» et la «théorie du genre».

Le gouvernement du président socialiste François Hollande ne prévoit aucun de ses projets, mais les thèmes sont porteurs alors qu'un climat que certains observateurs qualifient de «nauséabond» gagne la France.

Pays traversé par des lignes de fracture remontant pour certaines à la Révolution française de 1789, la France connaît souvent des accès de fièvre quand la gauche revient au pouvoir. Dans les années 1930, les ligues d'extrême droite se sont régulièrement mobilisées pour déstabiliser le pouvoir de gauche et la République.

Le 19 janvier, une «Marche pour la vie» des opposants à l'avortement, un droit acquis pour les femmes depuis 1975 en France, avait ouvert le bal des contestations. Mais c'est surtout la manifestation anti-Hollande du 26 janvier qui avait débordé du cadre habituel de l'affrontement politique.

Pendant cette manifestation qui s'était achevée par des heurts avec la police, des groupuscules d'extrême droite avaient laissé libre cours à leur remise en cause de la République et avaient multiplié propos racistes et antisémites.

Dix-neuf policiers avaient été blessés et 226 personnes placées en garde à vue. Dimanche, la police a brièvement arrêté douze militants d'un groupuscule d'extrême droite alors qu'ils s'apprêtaient à rejoindre le cortège. Une demi-douzaine d'autres militants ont ensuite été interpellés, mais en fin d'après-midi, aucun incident n'était signalé.

«Théorie du genre»

Toute la semaine, une nouvelle polémique a enflé avec une folle rumeur selon laquelle l'école inciterait les enfants à rejeter leur identité sexuelle, voire même leur apprendrait à se masturber. Cette rumeur, qui n'a pas de fondement, mais qui a séduit notamment parmi les musulmans, reprend l'argumentaire de groupes d'extrême droite d'inspiration catholique qui accusent le gouvernement de vouloir imposer la «théorie du genre», interprétée comme la négation de la différence des sexes et la promotion de l'homosexualité.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, a dénoncé «les manipulations et les mensonges sur lesquels une frange réactionnaire essaie de cimenter une opposition à la politique du gouvernement, avec le soutien irresponsable de plusieurs parlementaires de l'UMP (Union pour un mouvement populaire)», le principal parti de la droite conservatrice Avant la manifestation, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a fustigé «une fronde des anti: anti-élites, anti-État, anti-impôts, anti-Parlement, anti-journalistes... Mais aussi et surtout des antisémites, des racistes, des homophobes... Tout simplement des anti-républicains».